Si nous nous replacions à l'époque des premiers hommes, nous verrions sitôt apparaître de nombreux dangers : la difficulté de se nourrir –baies et petits reptiles à mâcher crus-, de se protéger des animaux sauvages -lions et rhinocéros bien plus rapides et plus forts que l'homo habilis d'1m50 et de 60kg-, etc. Nous comprendrions vite, à la manière de nos ancêtres, que l'union fait la force. Pour pouvoir survivre, les hommes se regroupaient en petites communautés. La recherche de l'intérêt semble donc avoir conduit notre raisonnement.
Néanmoins, si nous nous interrogions sur notre conduite générale vis-à-vis de la société actuelle, nos sentiments se brouillent : est-on capable d'affirmer que les rapports entre hommes sont uniquement déterminés par leurs intérêts ? La recherche de nos intérêts se confond souvent dans notre esprit avec la recherche du bonheur ; on ne garantira pas que l'homme est heureux en société. Alors pourquoi l'homme vivrait-il en société ? C'est notre façon de concevoir le monde qui nous entoure qui est ici posé. Notre question est donc légitime : les hommes ne vivent-ils en société que par intérêt ?
Dans notre question, la société renvoie à un ensemble d'êtres qui vivent en groupe organisé, groupe qui les unit ordinairement par des institutions, une culture, etc. On appose ici particulièrement l'individu à l'ensemble de la société. L'intérêt prend souvent un aspect péjoratif, « recherche égoïste de ce qui est avantageux pour soi », mais il désigne plus généralement tout ce qui est profitable. C'est d'ailleurs là l'un des nœuds ne notre problème : comment entendre ce mot intérêt ? Il semble d'une part que l'homme trouve satisfaits dans la société de nombreux besoins et désirs, mais est-ce l'intérêt seul qui unit les hommes ? Certaines relations entre membres d'une société semblent démentir cette idée. Mais finalement, n'est-ce pas avec ce mot intérêt nos comportements qui sont mis en cause, aujourd'hui plus qu'hier, puisque nous ressemblons à des produits d'un « monde de l'utile » ?
[...] En effet, ces règles varient selon les sociétés mais on retrouve souvent un fil directeur, comme l'interdit de voler ou de l'inceste (cf. étude de Lévi Strauss). D'ailleurs, on dit souvent que la société est organisée par le travail pour les échanges : elle est intrinsèquement marquée par la culture. Lorsqu'on évoque la notion de société on fait rapidement le rapprochement avec un mode de vie, des relations, des manières de consommer, une culture particuliers. Par exemple, faire allusion à la société japonaise rappelle à notre esprit un mode de vie stricte, le dévouement de l'individu à la communauté, etc. [...]
[...] Qui n'a jamais réalisé qu'il vivait dans un monde dont il ne maîtrise presque la conception d'aucun objet ? De la chaise à l'ordinateur, tous les outils issus des révolutions néolithique, industrielle et technologique semblent échapper au pouvoir de chaque individu ; la phobie de la perte du contrôle des machines grandit, et par conséquence le nombre révélateur de scénarios- catastrophes (Metropolis de F. Lang, Matrix, et nombreux livres de Science Fiction depuis le milieu du XXème s.). Peu importe le point de vue, qu'il soit économique, intellectuel, physique, etc., l'homme est dépendant de ce qu'il a créé. [...]
[...] Ainsi, la société conditionne l'homme et le rend dépendant d'elle-même, il n'est plus libre. Mais se rend-on compte à quel point la liberté humaine se trouve contestée par l'ordre social ? L'homme commença à fabriquer des outils pour survivre, pour d'adapter à son milieu. Le perfectionnement de l'outillage, qui permit l'élévation de l'espérance de vie, est étroitement lié à l'évolution des sociétés. Selon Bergson, la création d'objets est une manifestation de la liberté humaine. Mais par ailleurs, ne peut-on pas considérer que les technologies emprisonnent l'homme ? [...]
[...] Non seulement l'humanité ne peut se concevoir en dehors de la société, mais c'est grâce à elle que l'homme réalise son humanité. Avec la socialisation de l'homme, ce dernier connaît des maux qui n'existaient pas à l'état de nature, mais en entrant dans la sphère de la Culture, il perd contact avec la Nature, en découvrant ce qu'on pourrait appeler sa nature, ainsi que des pouvoirs qui lui sont propres : homme dénaturé, homme libre, homme digne. Certes, la société traîne à sa suite un cortège de maux à cause de l' insociabilité humaine, mais sans ces difficiles transformations et luttes internes, quelle serait l'humanité ? [...]
[...] Les relations qu'entretiennent les membres de la société sont-ils représentatifs de leur recherche d'intérêt ? Freud développa dans sa deuxième topique les oscillations entre les pulsions de vie (Eros) qui animent la libido et les pulsions de mort (Thanatos) qui poussent l'homme à la destruction : L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer (Freud). [...]
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