Hommes, société, vie en société, intérêt
La société est une association humaine durable et constante basée sur l'échange de services. Aujourd'hui, elle nous parait inévitable, pourtant l'association entre les hommes semble accidentelle : selon Rousseau, la condition de base de l'être humain est l'Etat de nature qui se différencie par plusieurs aspects de l'état de société. Autrefois, l'homme naturel aurait été nomade, amoral et dépendant de la nature : ne nécessitant pas de cultiver une production naturelle déjà abondante, il n'aurait eu recours qu'à la chasse et à la cueillette pour survivre, tout cela de manière irrégulière à cause de la difficulté à trouver de quoi manger, ce qui lui laissait peut de temps pour mettre en acte son humanité. Puis, une catastrophe naturelle se produisit et les hommes, par manque de vivres mais aussi pour la sauvegarde de l'espèce, furent contraint à se réunir pour s'entraider et cultiver eux-mêmes la terre : la société était née. L'homme naturel étant limité en temps pour à la fois trouver de quoi se nourrir et un abri pour se reposer, put répartir les tâches grâce au regroupement et il bénéficia petit à petit de plus de temps pour mettre en acte son intelligence et optimiser la société croissante. La division des travaux est très intéressante, au sens où elle apporte de réels intérêts, Adam Smith l'explique clairement : chacun se spécialisant dans sa tâche, il peut perfectionner sa méthode et ainsi produire beaucoup plus avec une meilleure qualité.
[...] Car au fond, ce qui maintient les hommes en société c'est le sens qu'elle donne à leur vie. Beaucoup d'entre eux s'adonnent au plaisirs et chagrins quotidiens que procure la vie sociale, et ce de manière plus régulière qu'ils ne s'adonnent à la morale. Il ne s'agit en fait que d'un divertissement -nous empruntons le mot à Pascal, simple et accessible, pour nous détourner non pas de Dieu mais de la lourde épée de Damoclès qui pèse sur nos têtes : comment donner un sens à sa vie quant on est voué à une mort certaine, et que l'humanité est promise à disparaître un jour ? [...]
[...] L'homme, en tant qu'être capable de sociabilité, se libère en société, en partie grâce à l'aliénation par le langage. Ainsi, et grâce au langage, l'homme peut se fondre à l'autre et, après avoir échangé des idées, éprouver de l'empathie en partageant des sentiments. L'amitié vient naturellement par la suite, et contrairement à l'Amour qui suscite un intérêt pour son amour propre, elle se doit d'être désintéressée, car portée sur un échange moral. Pourtant, on constate parfois des amitiés fort superficielles, basées sur un intérêt quelconque, allant du simple besoin d'être écouté sans écouter en retour jusqu'à la spéculation la plus machiavélique. [...]
[...] Ainsi, une société maintenue par des liens d'empathie et d'amitié survivra à une société d'intérêts propres. Cependant, bien que l'intérêt propre soit vaincu par l'intérêt moral, subsiste encore un attachement unique mais très fort à la société : celle-ci permet à chacun de se détourner de sa finitude, de son caractère mortel en lui révélant une infinité de divertissements. Aussi, l'homme a des intérêts à être en société, cependant il est le seul par sa volonté à choisir d'y perdurer : elle lui procure une individualité et paradoxalement une mort propre, par la confrontation aux autres, elle lui apporte l'humanité et le désir d'universalité auquel il aspire, notamment par la mise en acte de sentiments désintéressés. [...]
[...] La division des travaux est très intéressante, au sens où elle apporte de réels intérêts, Adam Smith l'explique clairement : chacun se spécialisant dans sa tâche, il peut perfectionner sa méthode et ainsi produire beaucoup plus avec une meilleure qualité. Le surtravail ainsi créé sert de valeur d'échange pour se procurer ce que l'on n'a pu produire seul : l'homme ayant chassé toute la journée pouvait échanger un gibier contre des légumes qu'un autre homme avait pendant ce temps cultivé. Tout en devenant indépendants de la nature, les hommes créent un lien moral entre eux qui préserve l'échange permettant la création d'un capital : ils se savent interdépendants et évitent donc les situations conflictuelles. La société moralise l'homme. [...]
[...] D'après Pierre Bourdieu, la société donne à l'homme sa raison d'être et elle seule peut l'arracher à l'absurdité de l'existence humaine. Sans être aussi grave, il est probable que bon nombre d'être humains voient en la société un lieu davantage divertissant qu'un espace universel leur permettant de construire leur humanité. Aussi, bien que les actes moraux soient tout aussi divertissants au sens pascalien du terme, que les actes émanant de l'intérêt pur, il semble que le choix largement soit celui de l'intérêt, non pas par manque d'humanité mais plutôt par manque d'espoir en l'humanité. [...]
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