« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », ainsi débute la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ce qui semble impliquer que dès la naissance, les hommes sont libres, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas à agir sous la contrainte de quelqu'un et qu'ils sont indépendants les uns des autres. Ils sont libres car ils ont une puissance d'agir qui leur est propre et qui est déterminée par la raison de chacun. Mais il existe de nombreux cas où l'homme ne naît pas libre – l'esclavage par exemple –, où il est dépendant d'autrui et où une puissance d'agir propre ne lui est pas accordée. Mais s'ils « naissent » libres, cela veut dire que dans son état premier, dans l'état de nature, l'homme serait libre. Quid alors de sa liberté dans cet état autant que dans un état de société qui est son pendant et auquel est lié de « droit ». Le concept de liberté est un concept de la Raison, il n'a pas de forme empirique, alors est-ce que la liberté dans l'état de nature serait la même que la liberté dans l'état de société ? Les deux états sont-ils compatibles avec une seule et même liberté ? Les hommes qui évoluent dans ces deux états sont, semble-t-il, ainsi voués et liés à la liberté : sont-ils alors naturellement libres ou, autrement dit, les hommes sont-ils par essence – un des sens du terme latin natura – libres dans quelque cadre que ce soit ?
[...] On voit bien ici que la différence entre état de nature et état de société, entre liberté civile et liberté naturelle semble insurmontable tant la dichotomie entre les deux est grande. S'il a pu apparaître que par certains points les deux libertés pouvaient se rapprocher, on voit bien avec Rousseau que le fossé est trop grand. Le parallèle : homme-solitaire-indépendant hommes-société-codépendance Est très marqué et paraît de prime abord indépassable. La liberté naturelle ne semble pouvoir être dans les faits que toute autre chose que la liberté civile. Pourtant, on pourrait objecter : est-il bien possible d'être tout le temps indépendant et solitaire ? [...]
[...] Alors on reste naturellement libre. Le vrai et unique moyen d'être le plus libre possible, d'être dans un état de parfaite liberté est d'acquérir cette libertas, cet usage des droits du citoyen, par des devoirs, et par un devoir : préserver la liberté naturelle des autres dans cet état de société pour être naturellement libre. Les hommes sont bel et bien libres par nature car ils sont les tenants d'une liberté qu'ils, seuls, possèdent ou peuvent posséder. Ils sont naturellement libres car ils peuvent sous peine d'efforts sur eux- mêmes arriver à connaître une liberté qui est autant essence de soi qu'indépendance et jouissance de ses droits de citoyen. [...]
[...] Pour eux, naturellement, certains n'étaient pas libres. Ce fut le cas des femmes, et notamment lors de la rédaction du Code civil. Par nature, la femme ne pouvait prétendre à un usage plein et entier de ses droits, elle n'était par conséquent par libre, naturellement. Dans son Projet de loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes de 1801, Sylvain Maréchal écrit dans son cinquième article : que l'intention de la bonne et santé nature a été que les femmes exclusivement occupées des soins domestiques s'honoraient de tenir dans leurs mains non pas un livre ou une plume, mais bien une quenouille ou un fuseau Cet exemple nous montre que des auteurs ont posé la nature comme argument réfutateur de la liberté. [...]
[...] Or la Raison ne s'applique qu'à eux. La nature physique permet de créer l'homme mais ne lui permet pas d'exister en tant qu'homme, elle lui permet uniquement d'exister en tant qu'animal. Quand Sartre énonce dans l'Existentialisme est un humanisme que l'homme est condamné à être libre : condamné parce qu'il ne s'est pas crée lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait on voit bien que l'homme est nécessairement soumis aux lois physiques (d'où le terme condamné mais que ce n'est pas par elles qu'il existe, qu'il est libre. [...]
[...] La loi naturelle enlève en quelque sorte de la liberté. Ici la loi naturelle fait renoncer à la liberté. Or n'existe-t-il pas une forme supérieure de la liberté qui lierait la liberté naturelle dans cet état de société sans pour autant faire renoncer à une partie de cette liberté ? La loi naturelle devrait dans ce cas borner et non faire renoncer. Dans les deux cas, il apparaît certain qu'il faut faire en sorte de ne pas nuire à autrui en évitant à tout prix l'état de guerre. [...]
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