L'homme et la réalité, l'homme et le réalisme, monde imaginaire, perception du malheur, refus de la réalité, Clément Rosset, Don Quichotte, Freud, déni de la réalité, condition du bonheur
La réalité est par définition ce qui existe en fait, avec certitude, indépendamment du sujet, qui n'est pas le produit de la pensée. Nous comprenons bien en quoi elle peut être douloureuse pour les êtres conscients que nous sommes. L'homme est toujours à distance du réel qui est insaisissable, nous ne pouvons saisir la réalité, car nous sommes toujours en dehors de celle-ci, aveuglés par notre propre perception erronée du réel, déformée par nos désirs, nos illusions, nos croyances. Qui n'a jamais entendu "j'ai été aveugle", qui ne s'est jamais volontairement aveuglé en voyant ce qu'il voulait voir et non pas ce qu'il aurait dû voir ? La réalité est fade, morose, décevante alors que l'imagination colore le réel.
Tel un enfant qui s'échappe de la réalité pour devenir quelqu'un d'autre, vivre des aventures avec son ami imaginaire, s'amuser dans un salon devenu volcan, l'imaginaire nous permet de repousser la réalité, de rejeter ce fardeau au détriment d'un monde que nous créons. De plus, la conscience de notre condition est source de grande souffrance, nous nous retrouvons paralysés par la peur, l'angoisse, contraint au malheur. La réalité semble ainsi difficile à admettre, presque intolérable. Ne doit-on pas alors voir la réalité sans pour autant la subir pour ne pas vivre dans une souffrance constante ? Ne faut-il pas se protéger du réel sans le nier ? Cependant, ne dit-on pas qu'il faut savoir "regarder la réalité en face", savoir être lucide pour ne plus prendre nos désirs pour la réalité, pour s'échapper d'un monde de chimère qui nous prive du réel.
[...] Refuser la réalité semble être une attitude immature, l'enfant qui s'échappe dans un monde imaginaire est attendrissant, l'adulte qui s'échappe dans un monde imaginaire est peureux, lâche. De cette opposition en résulte la problématique suivante ; l'homme peut-il tolérer la réalité ? Doit-il accepter le réel ? Se montrer réaliste ? I. Doit-on se résigner à accepter la réalité et se condamner à être malheureux ? La réalité échappe au contrôle de l'homme, elle semble s'imposer à nous et nous plonger dans un grand malheur. Nous sommes victimes d'une réalité douloureuse, mais doit-on pour autant se résigner à l'admettre ? [...]
[...] Lorsqu'on refuse la réalité, une partie de notre cerveau arrive à l'occulter inconsciemment, nous protégeant d'une angoisse insoutenable. II. Il faut accepter la réalité Le réel nous apparaît comme hostile, impitoyable et le rêve, la fiction, l'illusion semblent être primordiaux à notre équilibre. Cependant, nous voyons bien en quoi nier la réalité, la rejeter est vain, car le réel nous rattrape toujours. Nier le réel ne changera jamais rien à la situation présente. S'enfermer dans un monde de chimère, s'aveugler, c'est refuser une souffrance qui demeurera. [...]
[...] Il s'aliène en se prenant, pour autre qu'il ne soit, en empêchant tout échange avec autrui, car autrui se voit endosser un rôle en adéquation avec l'univers imaginaire dans lequel il avance. Nous concevons ainsi la nocivité du refus de la réalité à travers les fictions que nous pouvons nous inventer, quand nous nous « faisons des histoires ». Accepter la réalité ne signifie cependant pas se résigner, abandonner ses rêves, se priver du possible et de toute imagination. L'homme doit accepter la réalité sans tomber dans le défaitisme. Plus que reconnaître le réel, l'homme doit apprendre à l'habiter. [...]
[...] Marcel Proust soutenait qu'« il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver. » En rêvant d'être pareil aux chevaliers qu'il affectionne tant et vivre comme son idéal, Quichano se détache de sa condition première, surpasse les limites de son rang social afin de devenir cet idéal. Il nie le réel pour réaliser son rêve. Tolérer le réel c'est aussi accepter d'être perpétuellement déçu, car le réel nous résiste, il ne répond pas à nos désirs. La réalité est remplie d'évènements traumatisants, imprévus, angoissants : le deuil, les catastrophes naturelles, la déception, la pauvreté, l'impitoyable violence du temps. La réalité est trop dure pour nous, l'homme ne peut y échapper que par l'imagination qui fait office d'exil. La réalité est trop difficile à tolérer. [...]
[...] Accepter la réalité c'est accepter la résignation, le défaitisme. Admettre la réalité est naturellement difficile pour l'homme, pour citer Clément Rosset, nous avons une « tolérance conditionnelle et provisoire » vis-à-vis du réel. L'homme semble éclairé par des moments de lucidité où l'adhésion à la réalité est une évidence, il perçoit sa condition, mais la souffrance qui en résulte est souvent trop douloureuse pour que cette lucidité lui soit permanente. L'homme est doté d'une conscience, par définition, il est toujours hors de lui, il se projette, il est toujours à distance de lui-même et du monde extérieur, ainsi on comprend pourquoi la réalité est si difficile à admettre. [...]
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