L'illusion a mauvaise réputation, et il est fréquent que l'on espère pouvoir y mettre fin. Mais les plus graves ne seraient-elles pas celles que l'homme peut avoir sur lui-même ?
Le relevé des illusions est impressionnant : outre que, si l'on en croit Freud, l'inconscient n'en finit pas de nous égarer sur ce que nous sommes intérieurement, il faut aussi tenir compte d'illusions plus générales, concernant nos capacités de connaissance ou notre pouvoir de maîtriser le monde ou la nature. Sans doute la critique de la connaissance peut-elle déraciner certaines de ces illusions, mais elles risquent de se reformer aussitôt sur d'autres objets, car le désir qui les suscite ne disparaît pas facilement. Mais leur disparition, si elle était possible, serait-elle authentiquement souhaitable ? Une vie qui ne serait plus animée par le désir aurait-elle encore quelque intérêt ?
[...] L'inconscient n'est-il pas par définition producteur d'illusions ? Si l'adulte élabore de projets dont la réalisation est en général plus à sa portée que ce dont il rêvait enfant, il lui arrive encore de s'illusionner sur ses propres capacités. Ses fantasmes le placent dans des situations favorables, ou il peut éblouir ses amis ou ses concurrents, séduire qui il veut, s'enrichir sans limitation. Le réel se charge évidemment de le ramener sur terre, ce qui peut être brutal ou décevant, mais au moins a-t-il ainsi l'occasion de comprendre à quel point il pouvait se faire des illusions sur lui-même lorsque ses rêveries l'entraînaient à voir sa vis plus en rose qu'elle ne l'est. [...]
[...] Tel est du moins un des enseignements de Freud : tout sens manifeste présente un envers latent. Mais il produit aussi des illusions partagées : Cette façon, pour le latent, de s'abriter derrière un manifeste illusoire, concerne aussi des aspects de l'existence, humaine qui passent pour particulièrement nobles. SI on en admet la validité, la théorie de la sublimation enseigne que les pulsions sexuelles sont aptes à déplacer leur objet initial pour mettre en valeur des objets qui n'ont aucun rapport apparent avec elles et sont socialement valorisés. [...]
[...] On pourrait espérer en finir avec les illusions que l'homme se fait sur lui-même, sur ses capacités et sur sa propre situation dans le monde. Autant vouloir en finir avec le désir ! L'être humain souffre de sa finitude : il la connaît, mais ne peut l'admettre, et innombrables sont les comportements qui témoignent de son désir de lui échapper. Il désire ne plus être victime du temps, crée des œuvres qu'il prétend (illusoirement bien sûr) immortelles Il désire sortir de sa finitude pour goûter à l'infini, et quel qu'en puisse être l'aspect : connaissance, maîtrise du monde, transformation de la nature. [...]
[...] L'homme est-il condamné à se faire des illusions sur lui-même ? L'illusion a mauvaise réputation, et il est fréquent que l'on espère pouvoir y mettre fin. Mais les plus graves ne seraient-elles pas celles que l'homme peut avoir sur lui-même ? Le relevé des illusions est impressionnant : outre que, si l'on en croit Freud, l'inconscient n'en finit pas de nous égarer sur ce que nous sommes intérieurement, il faut aussi tenir compte d'illusions plus générales, concernant nos capacités de connaissance ou notre pouvoir de maîtriser le monde ou la nature. [...]
[...] L'illusion d'une connaissance absolue : L'histoire des connaissances est aussi celle d'une suite de désillusions, ce qui prévient que l'illusion est toujours capable de réapparaître sous une autre forme. Les astronomes grecs étaient sans doute persuadés d'avoir élaboré une connaissance sûre du ciel, mais leur conception s'écroule à partir des travaux de Copernic et des démonstrations de Galilée. Lorsque l'attitude scientifique est historiquement établie, on continue à vérifier que la vérité est instable, alors même que l'on aimerait y rencontrer un absolu. [...]
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