Désirer c'est rechercher quelque chose qui nous manque et qui est posé comme susceptible de combler notre attente. Mais contrairement à l'animal qui, une fois ses besoins comblés, jouit d'une existence quiète, l'homme fait l'expérience d'une existence fondamentalement inquiète, en quête d'une satisfaction qui lui semble refusée. De ce point de vue, le fait que l'homme soit un être de désir semble le vouer irrémédiablement au malheur, à la souffrance et donc à la misère d'une vie qui peut dès lors apparaître comme un fardeau (...)
[...] Pour ranimai le but de la vie est immédiatement inscrit en lui et n'est rien d'autre que la vie même qu'il vise à conserver. Mais l'homme est à charge pour lui-même et doit créer les conditions de sa propre existence. Se pose ainsi nécessairement à lui, dés que la réflexion s'éveille, la question de savoir comment vivre. Le désir donne immédiatement la réponse : tout homme désire être heureux. S'il n'est pas d'abord possible de dire en quoi peut consister une telle vie heureuse on est sûr, au moins négativement, qu'elle doit être autre chose que la vie malheureuse que l'on expérimente d'abord. [...]
[...] Comme le pose Schopenhauer dans le monde comme volonté et comme représentation, l'existence de l'homme ressemble au balancier d'un pendule qui oscille entre le manque et l'ennui, entre la tension du désir et la dépression qui suit le plaisir éphémère plaçant l'existence dans un mouvement absurde qui va de souffrances en souffrances. Quoi de plus misérable qu'une telle existence ? Mais précisément la misère d'une telle existence ne serait-elle pas le signe que l'homme ne peut pas se contenter d'une vie simplement animale ? Ne serait-ce pas le signe que l'homme aspire à une réalité plus haute que le simple fait de se conserver en vie dans un ordre réglé par la nature ? [...]
[...] Séparée de l'absolu, du fait de l'incarnation, il manque à l'âme sa complétude. De cette perte, l'âme à la nostalgie, elle aspire à retrouver cette unité perdue, elle désire retrouver sa véritable patrie. Prisonnière d'un corps qui dés lors est comme un tombeau (le Phédon). l'âme aspire à se libérer et à retrouver la vraie vie par delà la mort. On comprend du coup ce qu'il convient de faire du désir pour bien vivre. Il faut essentiellement se détourner du corps pour se tourner vers l'esprit. [...]
[...] Pour Platon c'est la beauté qui suscite le désir. La beauté que l'on voit dans l'objet sensible n'est que le reflet du Beau en soi et éveille le désir, c'est à dire la nostalgie du divin. C'est par exemple la beauté de cette fille qui éveille mon désir (mais encore une fois il convient, pour que le désir ne s'égare pas dans le sensible, d'en orienter le mouvement vers son véritable objet intelligible). Mais du coup l'activité productrice risque bien de n'être qu'une vaine agitation puisqu'il s'agit de retrouver et non de bâtir. [...]
[...] Si le désir est bien, à première vue, la marque d'une existence misérable en ce que, par lui, l'homme poursuit un bonheur inaccessible. Néanmoins cette misère même peut être comprise comme le signe d'une destination plus haute, au dessus de l'ordre simplement naturel de la nature. Mais une telle conception nous apparaît comme nécessairement dévalorisante par rapport à la vie. En faisant du désir la manifestation même de la vie il est possible de le penser comme force productive et non comme aspiration à retrouver un objet perdu. [...]
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