« On paie mal un maître en ne restant toujours que l'élève », écrivait Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, soulignant ainsi l'utilité évidente de la transmission des savoirs et du savoir-faire, qui doit permettre au progrès de se poursuivre… Ce type d'idées est déjà présent chez Confucius, auquel on prête ces paroles : « Qui peut extraire une vérité neuve d'un savoir ancien a qualité pour enseigner. »… En effet, c'est bien grâce à cette transmission que l'homme peut progresser : l'économiste moderne n'a pas à réinventer tous les concepts mis en place par Smith, Ricardo et Marx, le philosophe d'aujourd'hui peut se questionner sur la base des écrits passés, à commencer par ceux de Platon et Aristote, et cætera. Le chercheur en sciences dures ou en sciences sociales peut donc se pencher sur des questions bien plus précises que celles auxquelles tentaient de répondre ses prédécesseurs, et ainsi concourir au progrès du savoir humain, progrès qui, ici, semble bien être linéaire et continu comme le pensait Hegel. C'est ce même progrès qui explique la spécialisation croissante de la pensée : il existe aujourd'hui des dizaines de domaines de réflexion, alors que les « anciens », dont Descartes est l'archétype, étaient tout à la fois scientifiques et philosophes… Ce n'est pas un hasard si la philosophie derridienne de la « déconstruction » ou l'idée postmoderniste de « généalogie du savoir » ont émergé : devant la complexité de la confection des savoirs humains, s'y retrouver suppose de pouvoir dégager les présupposés et idées fondamentales liés à chacune des approches… Quoi qu'il en soit, l'histoire de la pensée est donc, a priori, un atout pour les hommes d'aujourd'hui qui peuvent s'appuyer sur les connaissances établies, ainsi que sur les sagesses anciennes : on trouve chez les penseurs anciens des règles de vie permettant a priori d'atteindre à la vie bonne.
Toutefois, à l'heure où nos sociétés semblent plus que jamais être sous la férule de l'individualisme et du matérialisme, la spiritualité de ces sagesses paraît bien loin : le monde moderne se résume bien souvent à l'image du consommateur égoïste et à l'individualisme, véritable tendance au repli sur soi-même et sur son entourage. Ce consommateur n'est pas seulement rationnel et calculateur, à la manière du fameux homo oeconomicus de la « science économique », il est aussi en proie aux passions de toutes sortes : même Hayek, économiste ultralibéral s'il en est, a reconnu que ce sont les passions et non les intérêts qui mènent le monde. Dès lors, l'histoire de la pensée peut-elle encore être utile pour un tel individu : demeure-t-elle un atout, ou est-elle devenue un fardeau ? Dans un monde où l'on connaît la valeur de tout et le prix de rien, pour paraphraser Schopenhauer, il n'est pas impossible qu'elle soit effectivement devenue un héritage trop lourd à porter pour les hommes, pris dans une mécanique socio-économique à contre-courant de ce qu'elle semble leur indiquer… L'émergence d'une société individualiste et matérialiste est-elle alors en train de mettre un terme à plusieurs siècles de réflexion ? On est en droit de se le demander lorsque l'on constate que, si la plupart des domaines scientifiques continuent de progresser, la philosophie, quant à elle, « stagne » plus ou moins dans la mesure où il n'y a plus vraiment de grands penseurs, ou, à tout le moins, dans la mesure où leurs messages n'atteignent plus l'ensemble de la population mais seulement un petit nombre d'initiés, marginalisés…
[...] Ainsi, suivre le raisonnement d'un autre, c'est souvent basculer, selon la distinction kantienne, dans l'hétéronomie de la volonté, par opposition à l'autonomie de la volonté, hétéronomie qui consiste littéralement à recevoir ses lois de l'extérieur, plutôt que d'écouter sa raison (du grec nomus qui signifie loi). Le penseur lui-même n'échappe pas forcément à l'hétéronomie : lui aussi peut ne pas penser par lui-même s'il est prisonnier d'un système de pensée. Des épistémologues tels que Bachelard et Kuhn ont montré que les scientifiques, qu'il s'agisse des sciences physiques ou sociales, ne sont pas si objectifs que ce que l'on croit généralement. [...]
[...] On voit bien que ce Problème économique correspond chez Keynes à la capacité, pour la société, de faire vivre correctement chacun de ses membres. Cette tâche n'est pas insurmontable et, au fur et à mesure des progrès, elle est reléguée à l'arrière-plan, libérant l'homme de ses contraintes physiques. Dès lors, pour la première fois depuis sa création, l'homme fera-t-il face à son problème véritable et permanent : comment employer la liberté arrachée aux contraintes économiques ? Voilà donc la véritable question enfin soulevée : que faire de notre condamnation à être libre comme dirait Sartre ? [...]
[...] Dès lors, l'histoire de la pensée peut-elle encore être utile pour un tel individu : demeure-t-elle un atout, ou est-elle devenue un fardeau ? Dans un monde où l'on connaît la valeur de tout et le prix de rien, pour paraphraser Schopenhauer, il n'est pas impossible qu'elle soit effectivement devenue un héritage trop lourd à porter pour les hommes, pris dans une mécanique socio- économique à contre-courant de ce qu'elle semble leur indiquer L'émergence d'une société individualiste et matérialiste est-elle alors en train de mettre un terme à plusieurs siècles de réflexion ? [...]
[...] Cette vertu de générosité permet d'en finir avec les contradictions humaines puisque l'exercice de la sagesse, qui passe par la raison, ne suppose plus d'éviter tout ce qui relève de la sentimentalité (comme la sagesse stoïcienne pourrait l'imposer) : les passions deviennent toutes bonnes de leur nature en ce sens qu'une passion, dans la mesure où elle procure une satisfaction inférieure à celle liée à l'émotion qu'est la générosité, ne fait que révéler d'autant plus au généreux la perfection de l'âme libre et la justesse de son choix Voilà un idéal, qui ne fait absolument pas référence à Dieu, vers lequel on peut essayer de tendre, et de d'autant plus facilement que la vertu de générosité ne relève pas de l'inné, mais peut s'acquérir : selon Descartes, si, d'une part, l'on s'occupe souvent à considérer ce qu'est le libre-arbitre, et combien sont grands les avantages qui viennent de ce qu'on a une ferme résolution d'en bien user, comme aussi, d'autre part, combien sont vains et inutiles tous les soins qui travaillent les ambitieux, alors on peut acquérir la vertu de générosité, laquelle étant comme la clé de toutes les autres vertus, et un remède général contre tous les dérèglements humains Le généreux pourrait donc vivre dans notre monde individualiste et matérialiste sans en être affecté Toutefois, il est loisible de penser que tout le monde ne peut avoir la volonté d'acquérir une telle vertu. C'est pourquoi une analyse sociale s'impose. A ce titre, Rousseau montre comment la vie en communauté peut conduire à la Justice. [...]
[...] L'histoire de la pensée est-ce un héritage trop lourd à porter ? Ou un atout face au matérialisme et à l'individualisme ? On paie mal un maître en ne restant toujours que l'élève écrivait Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, soulignant ainsi l'utilité évidente de la transmission des savoirs et du savoir-faire, qui doit permettre au progrès de se poursuivre Ce type d'idées est déjà présent chez Confucius, auquel on prête ces paroles : Qui peut extraire une vérité neuve d'un savoir ancien a qualité pour enseigner. [...]
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