Si la question de l'imagination n'est pas au centre de la querelle philosophique qui oppose Kant à Heidegger, il ne reste pas moins vrai que celle-ci autant que toutes les autres, soulevées par Heidegger, demeure aussi importante. D'où pour nous le bien fondé de traiter au cours de ce travail que nous voulons bien modeste, une question d'une telle nature. En effet, Kant distingue de la simple imagination empirique et reproductrice, comme faculté de se représenter un objet même en son absence et reposant sur les seules lois empiriques de l'association, l'imagination transcendantale et reproductrice dont la fonction est de s'assurer une médiation entre la réceptivité de la sensibilité et la spontanéité de l'entendement. Ce qui veut dire que si le donné sensoriel reçoit passivement l'activité de l'imagination, l'entendement, lui, par contre, agit activement dans l'opération sus évoquée, « Encore faut-il pour constituer l'objet, un acte composant le divers donné dans l'intuition conformément à l'unité synthétique de la conscience qu'exprime le concept.
Cet acte, nous apprend le début du second livre de l' « analytique », est celui de l'imagination, laquelle construit des images correspondant à un concept et permettant au jugement de saisir une intuition », il faut donc comprendre par là que le rôle dévolu à l'imagination par Kant se situe au niveau de l'assemblage entre le divers épars, désordonné, non organisé et informe et les concepts dans leur rôle organisateur, et de structuration. Les deux opérations de l'imagination transcendantale sont la synthèse et le schématisme.
Toute appréhension du divers dans l'intuition s'effectuant selon la forme du temps, l'imagination doit en associer la reproduction en faisant porter sa synthèse sur cette forme universelle qu'est le temps. Une telle liaison transcendantale de la forme temporelle du phénomène, en tant qu'elle est un effet de l'entendement sur la sensibilité, est également appelée synthèse figurée en tant qu'elle se rapporte simplement à l'unité originairement synthétique de l'aperception, c'est-à-dire à cette unité transcendantale par laquelle l'entendement confère une unité à la synthèse de l'imagination.
[...] Si cependant on identifie la réceptivité avec la sensibilité et la spontanéité avec l'entendement, l'imagination se place curieusement entre l'une et l'autre. C'est ce qui lui confère un caractère étrangement ambigu ; celui-ci se fait du reste jour dans la définition kantienne de cette faculté ».10 Eu égard à cela, Heidegger estime que la définition de l'imagination, selon laquelle celle-ci peut représenter intuitivement un objet absent, ne figure pas dans l'exposé de l'instauration du fondement que donne la critique de la raison pure. [...]
[...] A cet effet, notre question de départ reste posée : comment Heidegger conçoit-il l'imagination transcendantale à partir de Kant ? Pour Heidegger, l'imagination pure est ce pouvoir de former originairement des relations Dès lors, l'aperception transcendantale possède une relation essentielle à l'imagination pure. Pour notre auteur, elle ne saurait en tant que faculté pure, représenter une donnée empirique quelconque qu'elle se contenterait de reproduire. L'imagination pure est nécessairement génératrice a priori, c'est-à-dire productive pure et c'est justement cette Emmanuel Kant, critique de la raison pure, traduction Tremesagues et Pascaud, PUF, p Kant, cf. [...]
[...] Chez les empiristes, quand bien même on pourrait dire que tout l'entendement dépend de la faculté des images que l'intuition rapporte, l'imagination au sens propre demeure la capacité de lier les représentations indépendamment de l'ordre intrinsèque à leurs objets, voire au hasard. Elle reçoit donc, par rapport à la faculté de connaître, une évaluation négative, car c'est d'une imagination qui laisse libre cours à la fiction au surréalisme, et qui se développe en dehors des cadres évoqués plus haut que sont les catégories du temps et de l'espace. C'est à la philosophie critique que revient l'honneur d'avoir changé définitivement cette évaluation, en concevant l'imagination transcendantale comme la condition sine quanon pour qu'une donnée sensible puisse être liée à une représentation intellectuelle. [...]
[...] Le commentaire de Heidegger sur le schématisme peut parler de synthèse ontologique imaginative pure car ajoute-il, l'imagination est elle-même le temps au sens de ce temps originaire que nous appelons la temporalité 5Ainsi même avec Heidegger, l'on ne saurait penser ex-nihilo, toute imagination aussi fictive qu'elle puisse paraître, prend appui sur l'histoire, le temps, elle ne peut s'en départir d'une façon absolue. Cette même idée est reprise dans Kant et le problème de la métaphysique. Cette dimension temporelle de l'imagination vient de ce qu'elle reproduit dans la mémoire la sensation passée. [...]
[...] Ainsi, même si l'imagination peut, à travers son opération de synthétisation se représenter des objets non présents, il ne faut pas la considérer comme l'objet de vagabondage et d'errance à l'origine de tout type de spéculation, elle est bien plus, un élément d'adjonction, d'ordonnancement et de synthétisation bref un point de soudure entre la sensibilité et l'entendement. Faculté intermédiaire entre la sensibilité et l'entendement, l'imagination porte sur ces deux cadres a priori que sont le temps et la catégorie. Synthétisant la forme des représentations, elle rend également les catégories représentables par la conscience en les temporalisant, mieux en les situant dans le temps et l'espace. [...]
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