Qu'est-ce que la philosophie ? On la caractérise traditionnellement non par son contenu, par les objets qu'elle étudie, mais par sa méthode : il s'agirait d'abord d'une réflexion personnelle, d'une pensée libre. C'est à cette idée que s'oppose Hegel dans ce texte. Non pas qu'il la juge absolument fausse, mais parce qu'elle fait oublier un aspect fondamental de l'activité philosophique. En effet, en insistant sur le caractère personnel de la philosophie, on transforme celle-ci en quelque chose de purement subjectif, on la réduit à l'opinion. Mais la philosophie est d'abord science: connaissance de la vérité. Or la vérité n'est jamais quelque chose de personnel ; elle doit au contraire être universelle et nécessaire. On ne peut donc y parvenir immédiatement, par une simple réflexion personnelle, mais seulement par l'acquisition des connaissances et le travail de la pensée: l'apprentissage. Il s'agit pour Hegel de rappeler que cet apprentissage est essentiel à la philosophie, tout en montrant qu'il ne s'oppose pas à la liberté de penser.
[...] Hegel, dans ce texte, définit donc la philosophie comme la connaissance scientifique de la vérité. En cela il s'oppose à la tentative pour faire de la philosophie une simple réflexion personnelle, qui la réduirait à la subjectivité de l'opinion. Cette définition correspond bien à l'étymologie du mot philosophie : « amour de la vérité ». Mais qu'est-ce qui peut nous inciter à rechercher la vérité ? L'auteur ne nous dit rien ici sur l'origine de la philosophie : pourquoi désirons-nous être savants ? D'où vient cette passion de savoir sans laquelle il n'y aurait pas de philosophie ? Autrement dit, le principe de la philosophie ne précède-t-il pas l'apprentissage ? L'essence de la philosophie n'est-elle pas antérieure à l'acquisition d'un savoir déjà constitué ? (...)
[...] Celui-ci est toujours non seulement la condition de la connaissance vraie, mais encore de liberté - puisque ce n'est qu'en nous dégageant de l'opinion que nous parviendrons à la vérité. A travers ce texte sur l'enseignement de la philosophie c'est ainsi la nature même de cette discipline qui est enjeu. La philosophie est au vrai sens du terme une pédagogie. Elle doit inciter à penser. Néanmoins, si l'enseignement des connaissances ne s'oppose pas, comme le montre Hegel, à la liberté, il risque à son tour de masquer un aspect essentiel de la philosophie : l'étonnement. [...]
[...] De même aussi, la peur de douter, de voir le questionnement faire vaciller nos croyances, de remettre en cause nos certitudes. Mais ces certitudes, d'où les tient-on ? N'est-ce pas justement l'apprentissage qui, en définitive, nous confine dans l'évidence ? En effet, en apportant apparemment des réponses à nos principales questions, l'enseignement étouffe en nous la faculté de s'étonner: sous l'autorité de nos maîtres, tout semble clair, plus rien ne fait question. Les connaissances constituées par les sciences engendrent la certitude, parce que nous acceptons ce que l'on nous apprend sans juger nécessaire de revenir sur la validité de ces connaissances. [...]
[...] Ainsi le philosophe n'est pas essentiellement un savant. Il est plutôt, à l'image de l'enfant, un naïf, qui veut regarder les choses comme s'il les voyait pour la première fois. La philosophie pose des questions fondamentales qui portent sur tous les aspects de l'existence humaine, se posent à tout le monde et sont donc déjà présentes en tout homme. Il est vrai néanmoins que l'étonnement ne va pas forcément de soi: si la capacité de s'étonner est présente chez les enfants, elle semble disparaître au fur et à mesure que nous grandissons. [...]
[...] Il n'y a ainsi de véritable apprentissage que si j'opère une appropriation active de ce que l'on m'apprend. Il ne s'agit pas d'une simple accumulation de connaissances ; celle-ci entraîne et nécessite toujours le développement de la réflexion. Je ne connais pas réellement le théorème de Pythagore si je me contente de l'apprendre par cœur. Pour le connaître, il faut encore que je sois capable d'en faire refaire par moi-même la démonstration. C'est toujours par ma propre raison que je me convaincs de la vérité. [...]
[...] La philosophie ne serait pas philosophie si elle n'était apprentissage. Autrement dit, une philosophie qui ne s'enseigne pas n'en est pas une ; elle n'est qu'une opinion incapable de se justifier. Inversement, le refus d'apprendre la philosophie, sous prétexte de penser par soi-même est un refus de philosopher Pourquoi cela ? Parce que, dit Hegel, la philosophie est une science. Mais qu'est-ce qui caractérise une science ? C'est que son contenu, contrairement à celui de la pensée commune, est objectif. [...]
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