La ligne que l'on adoptera sera très biographique. On a besoin de comprendre son itinéraire personnel. Nous verrons ses influences – elle fut l'élève de M. Heidegger – certains de ses concepts, l'utilisation dont nous pouvons faire des concepts qu'elle nous propose, et les faux amis de ces concepts.
Nous reviendrons également sur la pensée d'Arendt quand nous étudierons d'autres philosophes, qui ont beaucoup lu Arendt.
Arendt est née le 14 octobre 1906 à Linden, près de Hanovre. Elle appartenait à une famille progressiste (social-démocrate). Ses ascendants étaient issus de familles juives. Cette condition juive n'était au début pas marquante pour la pensée d'Arendt, mais elle est passée au centre de sa pensée. Elle rapporte elle-même que ses visites à la synagogue avec ses grands-parents étaient ses seuls rapports à la religion. Sa mère était laïque, mais quand même de condition juive.
Arendt s'est toujours sentie, revendiquée comme citoyenne allemande, et que c'est pour cela qu'elle se sentait du peuple allemand. Elle avait reçu une éducation sans aucun préjugé, que lui avait donnée sa famille. Sa mère lui disait qu'il fallait éprouver le courage de sa pensée et ses origines. Sa mère disait aussi que si l'instituteur devait tenir des propos racistes, elle devait quitter le cours. Si ce devait être les enfants, ça ne comptait pas, car ce n'était pas dans le champ culturel ni politique.
Dans sa famille, il y avait des règles qui la protégeaient. Elle a eu une enfance baignée dans le respect et l'humanité, avec un mépris des distinctions sociales et ethniques. Dans son livre de 1944, Arendt décrit le déclin du paria : elle a grandi, elle éprouve sa situation juive, et les relents d'antisémitisme qui perdurent encore.
L'histoire du paria commence au XVIIIe siècle, et prend fin avec Kafka. Qu'est-ce que cette condition ? Elle repose sur le malentendu qui fait que ceux qui n'ont pas cédé à la tentation d'une carrière de parvenu ont pris trop au sérieux l'assimilation qui faisait d'eux des hommes.
Ce qu'elle dénonce, également, c'est la fin de l'innocence du suspect, c'est l'avènement d'un monde dans lequel se seraient effacées les limites entre la justice et l'injustice. Elle dénonce, au-delà de l'antisémitisme et du racisme, qu'on perd le sens de son humanité fondamentale. Face à la montée du racisme, l'humanité fondamentale devient sans valeur.
[...] Arendt va développer une vision de l'histoire qui fait qu'on ne puisse en rester au simple constat. Elle refuse le fatalisme : il n'est pas fatal que cela recommence. Cela suppose que le jugement devienne la pièce maîtresse de toute philosophie politique. Arendt prend conscience que la trame de l'histoire est discontinue. La méditation d'Arendt sur le totalitarisme nous enseigne la découverte de la discontinuité du champ historique. Arendt va croire voir une discontinuité dans la trame historique de la France lors de Mai 68, par exemple. [...]
[...] Ceci commande l'analyse, la défiance, et cette analyse, et cette défiance, auront la peur pour moteur. La résistance morale devient une valeur en soi. Nous quittons, avec le Principe, toute la dogmatique qu'avait institué Descartes : nous ne sommes ni les maîtres, ni les possesseurs de la nature. Nous ne pouvons pas nous nommer maîtres de la Nature, car cela nous rendrait maître des générations à venir. Il faut considérer le futur, et non pas l'état actuel de notre vision de la nature. [...]
[...] Eichmann n'était pas stupide. Il a gravi tous les échelons, on l'a vu déduire pour échapper à son procès. Il est donc capable de réflexion. Alors, quelles sont ses motivations ? Eichmann parle par stéréotypes : Arendt écrit que son incapacité à s'exprimer était liée à son incapacité à penser du point de vue d'autrui. Eichmann est coupé de la réalité, il est incapable de faire preuve d'empathie. S'il est d'autre part banal, il faut penser cette question : comment le fait de penser peut être plus destructeurs que les instincts humains les plus destructeurs. [...]
[...] La technique exercerait une contrainte anonyme, sans sujet, et non maîtrisée ni maîtrisable. Il y a une logique de l'auto accroissement, et une responsabilité des hommes de réparer les dégâts. Cette réparation se fait par de nouvelles technologies qui créent de nouveaux problèmes la technique est devenue sauvage, et il faut la domestiquer. Jonas va distinguer trois pouvoirs. Celui qui l'homme exerce sur la nature, d'abord, puis, l'automouvement de la technique qui évolue sans intelligence et sans but, et enfin le pouvoir que l'homme devrait s'assurer sur la technique. [...]
[...] Or l'avenir n'est pas écrit, et il pourrait bien ne pas advenir. Cet utopisme présente un pari sur l'avenir, auquel éthiquement il n'est pas responsable de se livrer. L'utopisme séculier voudrait jouer l'avenir sur la base d'un calcul d'intérêt, alors même que ce calcul n'est pas, puisque l'intérêt se trouve seulement dans la nature de tous. Attendre une intervention collective dans le cours physique des choses, c'est ignorer du même coup les prolongements de l'action physique humaine, c'est ignorer la responsabilité que ces prolongements physiques impliquent. [...]
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