L'homme, que la tradition philosophique et religieuse occidentale définit comme un « animal rationnel » est par nature un être doué de raison : cette faculté dont il dispose et que nous nommons raison lui permet effectivement de se distinguer des animaux chez qui il est parfois possible de reconnaître une certaine intelligence, mais non la raison.
Comment l'homme, ainsi défini, pourrait-il rejeter cette faculté qu'est la raison sans se nier lui-même ?
Et comment, dans cette perspective, serait-il possible de penser la haine de la raison que comme une dégénérescence de l'être humain ?
On éprouve en effet quelque difficulté à concevoir qu'une pareille attitude puisse être le fait d'un sujet raisonnable.
Aussi s'agira t-il, tout au long de ce devoir, de mettre en évidence les raisons précises qui poussent les hommes à renoncer à l'exercice de la raison.
[...] Comme le souligne Platon dans le Phédon, peut-être n'y a-t-il pire mal que d'avoir pris en haine les raisonnements ? Pour ne pas sombrer dans le préjugé, c'est-à-dire pour ne pas tenir pour vrai des opinions ou des principes sans les avoir examinés, il revient donc à l'homme de faire un véritable effort quant à l'exercice de sa raison. En effet, et cela comme le soutient parfaitement Kant lorsqu'il répond à la question Qu'est- ce que les lumières ? il est si commode d'être mineurs d'émettre un jugement uniquement parce qu'il nous a été reçu sous l'influence d'autrui, ou parce qu'il a été formé dans notre enfance, à un moment où on ne disposait pas de connaissances distinctes. [...]
[...] Le préjugé épargne au sujet l'étape pénible de l'examen critique, de la remise en question. Or, pour se sentir déchargé de la peine de juger par soi-même, il faut pouvoir se reposer sur une autorité extérieure. Et cet état de soumission à une norme reçue de l'extérieur que Kant met en avant dans Qu'est-ce que les lumières ? existe également dans le domaine des idées religieuses et consiste à accepter une croyance du simple fait qu'elle nous ait été transmise par une autorité ecclésiastique ou qu'elle soit écrite dans la Bible. [...]
[...] Et basculer dans cette sorte de faiblesse peut placer l'homme sous la domination d'un tiers. En effet, la dialectique peut se distinguer des autres usagers du discours, au premier rang desquels le procédé rhétorique dont Platon fait la critique au motif qu'il ne porte guère sur la diversité sensible et qu'il ne permet d'atteindre aucune connaissance réelle. Tout au long du Gorgias, Platon vise très durement la rhétorique sophistique qui ne conduit, à ses yeux, qu'à un pur immoralisme. En mettant en scène Socrate débattant avec trois interlocuteurs successifs à savoir Gorgias, un des sophistes les plus célèbres de tout le monde hellénique, puis Polos, élève de Gorgias et enfin Calliclès, sophiste imaginaire, Platon examine la question de la rhétorique. [...]
[...] Le raisonnement peut donc être vu comme une opération permettant d'établir la vérité ou fausseté d'une conclusion à partir de prémices. Voie royale d'accès au vrai et au juste, cette faculté de raisonner permet à l'homme de bien juger et de discerner le vrai du faux : l'être humain, qualifié d'homme raisonnable en tant qu'il possède la raison, dispose de cette puissance particulière lui offrant la possibilité d'user avec discernement des représentations pour connaître les choses et les évaluer à leur juste valeur. L'homme peut donc être défini en partie par sa composante rationnelle. [...]
[...] En ce sens, la dialectique est le savoir, la connaissance vraie. Elle est le raisonnement discursif à la faveur duquel la pensée et l'être des choses se rencontrent. Aussi l'homme ne doit-il pas se faire un devoir de l'exercice de sa raison ? Car rejeter cette capacité uniquement parce que celle-ci ne nous est pas donnée comme telle, puisque la raison, ou du moins l'exercice judicieux de la raison n'est pas inné, n'est-ce pas dans une certaine manière adopter une attitude lâche ? [...]
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