L'expression 'Gouvernement des juges' nomme et dénonce l'abus de pouvoir dont se serait rendue coupable l'autorité judiciaire. Elle pose le constat de la montée en puissance des juges tant dans l'opinion publique que dans les pratiques sociales mais également du rôle croissant joué par les cours constitutionnelles. La question d'une transformation des rapports entre droit et démocratie est ainsi posée. Dans le contexte de nos régimes démocratiques modernes, le gouvernement des juges est-il une menace réelle, une évolution inéluctable ou un mythe condamné à le rester ? L'accroissement du rôle politique du juge doit-il être considéré comme un progrès ou comme une remise en cause insidieuse des principes démocratiques et de la souveraineté du peuple ? Enfin, le spectre du gouvernement des juges n'est-il pas une exagération française d'une simple évolution des rapports entre démocratie et Etat de droit ?
[...] La conception française favorisant l'unité de la souveraineté diffère ici totalement de l'idée anglaise des cheks and balances. Dans le modèle anglo- saxon, la justice a un rôle important en ce qui concerne la politique, la régulation des mœurs et l'émancipation. Pourtant la philosophie politique évolue de façon différente de nos jours Le contrôle juridictionnel des lois est aujourd'hui considéré comme libéral et non plus conservateur comme à l'époque des Lumières. Le juge émerge comme figure centrale de l'ordre juridico-politique. [...]
[...] D'ailleurs, on a même entendu parler d'une loi d'amnistie générale au sujet des affaires de financement des partis ! De même, il y a quelques jours, J. Chirac est intervenu à la télévision en soulignant qu'il n'avait pas à se présenter en tant que témoin devant un juge. Le Président ne peut d'ailleurs être jugé que devant la Haute Cour. Dernier exemple, la Loi Pasqua de 1993 sur l'immigration a été invalidée par le CC. Pour contourner cette décision, C. Pasqua n'a pas hésité à faire réviser la Constitution. [...]
[...] Les juges sont donc condamnés à conserver une légitimité assez peu démocratique. Cette limite constitue paradoxalement le principal rempart contre l'avènement d'un gouvernement des juges. Finalement, leur élection peu démocratique constitue le meilleur bouclier pour la démocratie. En effet, les juges voient leur pouvoir limité par leurs propres règles juridiques. Dès qu'ils en sortent ou dès que la solution est peu claire juridiquement, ils sont sous le feu de la critique comme leurs compères politiques. Ainsi, le Conseil d'Etat a été fortement critiqué après sa décision dans l'affaire des Foulards. [...]
[...] Dans ce contexte, le représentant se plie aujourd'hui aux volontés du conseil, ce qui est fort éloigné de la conception de la loi issue de la Révolution : la loi est aujourd'hui devenue un acte soumis à l'Etat de droit, elle est contrôlée et peut être invalidée. La loi peut mal faire Or, pour les tenants de la critique du gouvernement des juges, l'argument est simple et, il faut le reconnaître, assez convaincant. La loi est l'expression de la volonté générale. Elle est l'expression de la souveraineté du peuple par ses représentants. Il est alors impossible d'accepter qu'une assemblée de juges (autorité et non pouvoir), non élue, puisse sanctionner cette souveraineté. [...]
[...] Un gouvernement des juges est-il à craindre ? Sommaire I / L'accroissement du pouvoir du juge . A / L'autorité du juge est longtemps restée limitée dans la philosophie politique et B / Le rôle national et international du juge est aujourd'hui en plein essor II / . a pu faire craindre l'avènement d'un gouvernement des juges . A / Le juge manifeste une volonté de maîtrise du phénomène politique B / Mais il intervient davantage comme un contre-pouvoir bénéfique à la démocratie III / . [...]
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