Pour l'essentiel, les textes qui précèdent évoquent l'adaptation d'institutions à ces situations d'exception que sont les crises ou les guerres : ces temps où le maniement de la force armée passe de la rhétorique au réel.
[...] On a longuement réfléchi en France, par exemple, sur la manœuvre des crises en Europe, c'est-à-dire l'ensemble des opérations politiques et militaires qui auraient placé les décideurs français dans une position optimale pour, le jour venu, manier la menace dissuasive : le nucléaire. Les interminables débats sur la stratégie de l'Alliance atlantique en Europe ne furent que gloses sur la difficulté de penser l'enchaînement des situations qui déboucheraient sur la menace d'apocalypse. Ce qui, au demeurant, suffisait à justifier qu'il ne s'y passât rien. [...]
[...] Paix aux chaumières, guerre aux châteaux : l'objectif de guerre est propriété de toute la population. A cet élargissement de l'objectif, correspond évidemment l'ampleur des armées en présence : la levée en masse, la Grande armée de Napoléon, les alignements de poitrines de la première Guerre mondiale étendent sans cesse la surface humaine des combats : l'ère de la guerre des nations est née. La mobilisation de masses humaines contraint aussi à penser leur équipement à grande échelle : si l'espace humain de la guerre s'élargit, de plus en plus de secteurs de la société civile devront être convoqués pour rendre matériellement possible l'affrontement. [...]
[...] D'où la difficulté â programmer l'effort de défense à échéance moyenne et l'obligation du repli sur la définition de quelques grandes fonctions de l'appareil militaire, en attendant que les tendances des théâtres qui nous intéressent particulièrement se précisent un peu. IV) D'UN CONSENTEMENT A L'AUTRE? Parmi les nombreux problèmes que soulève la nécessaire adaptation de l'instrument militaire à son environnement, se pose celui de l'opinion. Dans une société démocratique, où la circulation des informations est libre, l'appui de l'opinion publique, au moins en creux son silence, sont essentiels pour le responsable de la manœuvre des crises. [...]
[...] Il échouera désormais, non plus loin de chez nous mais dans des espaces très proches, à évacuer la guerre. Nous ne la ferons sans doute pas, nous, en Europe; mais elle se fera non loin, appelant peut-être telle ou telle intervention militaire de notre part. Il devient possible et nécessaire de penser une manœuvre militaire classique dans un espace où, jusqu'alors, elle était inséparable du maniement du nucléaire. Nous aurons donc à adapter nos moyens classiques à ce cas de figure nouveau ce qui pose en particulier des problèmes de budget, toujours douloureux en termes d'opinion. [...]
[...] Ceci, sans naïveté excessive. On ne crée pas un consensus comme une unité de chars; mais on peut travailler la terre où il naît. Dans ce travail de définition d'une stratégie déclaratoire à usage interne, la société française joue de facteurs positifs et négatifs. Au crédit, s'inscrit l'héritage de l'actuel consensus : il ne disparaîtra pas d'un coup et constitue un bon point de départ. Au débit, il faut inscrire l'échec à faire passer le débat de défense dans la société. [...]
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