Dans Une saison de machettes de J. Hatzfeld, C. Nyiransabimana, une cultivatrice, définit le génocide comme ce qui « surpasse la guerre, parce que l'intention dure toujours, même si elle n'est pas couronnée de succès. C'est une intention finale. » Parler de génocide pour ces tueries semble aller de soi, il convient cependant de donner un sens plus précis à ce terme pour ne pas qu'il s'affaiblisse. On peut en effet se demander si le génocide a un sens, sans pour autant excuser ni justifier de tels actes. Ce questionnement doit permettre de remarquer que le génocide s'éprouve et se conçoit à différentes échelles : humaine, nationale et internationale par exemple.
Les sens du génocide varient en fonction des personnes qu'il touche. Le sens que les victimes lui donnent est en tout point opposé à celui conféré par les bourreaux. Quant aux instances internationales, et à l'Histoire de manière générale, la position est différente en bien des points.
[...] Ce néologisme montre que ces actes vont à l'encontre des mœurs rwandaises, mais dénonce aussi implicitement l'influence de la colonisation : la présence des colons a permis de changer le sens d'un mot et d'en former un autre. Mais le kinyarwanda a d'autres lacunes pour exprimer la violence. Plus loin, les deux femmes précisent que : Même sans l'existence du mot, le viol a mis longtemps à se révéler après le génocide. Aujourd'hui, dix ans après, ça reste toujours un tabou. [...]
[...] Fulgence avoue par exemple qu'il n'a pas ressenti la mort au bout de son bras. Elie ajoute plus loin : Tuer au fusil, c'est comme un jeu en comparaison de la machette, c'est beaucoup moins touchant. Les commentaires sont aussi brutaux que les actes. Les impressions sont livrées sans artifice. L'évocation de leurs activités est parfois tout aussi directe. On se rappellera pour cela le chapitre d'Une saison de machettes intitulé La première fois Chacun y évoque ses impressions en tuant un être humain. [...]
[...] Elle en poussa certains à céder à la convoitise, en tuant pour posséder ce qui leur faisait envie. Les trafics de taules en sont un exemple. En ce sens, on peut se dire que céder aux péchés capitaux entre en un sens dans la définition du génocide : les interdits, qu'ils soient moraux ou religieux par exemple, sont allègrement transgressés lors des massacres, des viols et des pillages. En agissant avec autant de violence, les bourreaux montrent à quel point leur cruauté était exacerbée. [...]
[...] ou encore Abattez les vaches et les Tutsis, c'est une même tâche. L'Homme, alors considéré comme un animal ou un insecte, doit, pour espérer survivre ou du moins échapper temporairement aux menaces des bourreaux, se cacher dans les bois ou les marais comme un animal traqué par un prédateur. Il devient coupable de ce dont il n'est pas responsable : être Tutsi. Les relations humaines se transforment en une sorte de chaîne alimentaire dont le but est de purifier le pays en éradiquant les indésirables. [...]
[...] Le point de vue des bourreaux est parfois aussi très explicite, par exemple sur leurs manières de tuer. Pour Alphonse, dans Une saison de machettes de J. Hatzfeld, Sauver les nourrissons, ce n'était pas praticable. Ils étaient abattus contre les murs et les arbres, ou ils étaient coupés directement. Mais ils étaient tués plus rapidement, rapport à leur petite taille et parce que leur souffrance n'était d'aucune utilité. On a dit qu'à l'église de Nyamata, on a brûlé des enfants dans l'essence, c'est peut-être vrai, mais c'était le petit nombre dans un brouhaha de premier jour. [...]
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