Si l'échange, comme un don suivi d'un contre-don, caractérise l'humanité dans son ensemble, sans doute est-ce parce qu'il apporte à ceux qui le pratiquent un gain incontestable. En quoi peut consister un tel gain ? L'échange de biens de consommation permet de ne pas produire tout ce dont on a besoin, et aboutit à une spécialisation des tâches qui assure une meilleure production. Mais, plus radicalement, les échanges de messages, d'épouses ou de services tels qu'ils ont lieu dans les sociétés "primitives" semblent aboutir à un élargissement de la notion d'humanité. On peut toutefois s'interroger sur ce que devient cette notion dans les formes plus récentes d'échanges économiques.
[...] Sans doute l'égalité parfaite entre les deux interlocuteurs est-elle rare, mais on peut admettre à la limite que tout échange verbal, même s'il n'est pas capable de produire une avancée de la pensée, conserve au moins le sens d'une reconnaissance de l'autre comme égal en humanité : lorsqu'il se réduit à la fonction phatique par le recours à de simples formules convenues établissant un vague contact entre deux personnes, le langage suggère qu'il y a bien présence humaine de part et d'autre. [II - L'échange des biens simplifie le travail et améliore la production] [A. [...]
[...] Ce dernier, loin de reposer sur la bienveillance d'autrui, n'est fondé que sur une convergence des intérêts, sa formule est: Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même Ce que l'on acquiert chez les commerçants en échange d'argent ne dépend pas de leur bienveillance, mais de leur intérêt ou égoïsme en sorte que nous avons avantage à leur parler, non directement de nos besoins, mais bien de l'avantage qu'ils trouveront à les satisfaire. [III - Les échanges économiques ne proposent pas un gain pour chacun] [A. [...]
[...] [Conclusion] Puisqu'il concerne aussi le langage, l'échange pourrait bien être, à la manière de la langue, la meilleure et la pire des choses Car le gain initial qu'il autorise - en humanité, en connaissances éventuelles, en efficacité dans le travail - semble éminemment variable en fonction des conditions historiques dans lesquelles il s'effectue. Or, dans l'histoire, c'est l'échange économique qui a fini par refouler l'apport éventuel des autres formes, et s'il est un domaine où le gain n'est pas équitablement réparti, c'est bien l'économie. [...]
[...] Dès que l'individu a besoin des secours d'un autre, tout dégénère: le travail devient nécessaire, la propriété s'affirme, on s'habitue à posséder plus qu'il n'est nécessaire, et l'on voit l'esclavage et la misère germer et croître avec les moissons Pour avoir la possibilité d'échanger davantage, certains accumulent les produits, font travailler les autres à leur profit, et l'inégalité de condition» s'installe pour aboutir, à long terme, à la tyrannie. [B. L'échange peut-il être déshumanisant Alors que l'échange premier, celui des anthropologues, participe d'un processus d'humanisation, les formes modernes de l'échange deviennent selon Marx facteur d'une véritable déshumanisation. C'est notamment ce qui a lieu lorsque le travail devient pour les plus pauvres la seule marchandise qu'ils puissent mettre en circulation dans la société marchande. [...]
[...] Il invite de la sorte à reconnaître l'humanité de l'autre sans tenir compte de ce que son aspect immédiat peut avoir de déroutant. L'échange des épouses est plus complexe, puisqu'il fait intervenir au minimum trois groupes. En effet, si un groupe A reçoit une épouse d'un groupe ce dernier ne peut en recevoir une par échange direct en raison de relations de parenté instaurées par la première union. L'épouse ne peut donc être échangée que contre une dot, qui est destinée, non à être consommée, mais à être remise en circulation contre une épouse provenant d'un troisième groupe C. [...]
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