“O temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, suspendez votre cours! Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! " Dans cet extrait du Lac, Lamartine exprime son angoisse face au temps qui passe, abordant ainsi une notion très développée dans la littérature occidentale : la fuite du temps. A l'inverse, il nous arrive de voir le temps s'étirer considérablement, lors d'un sentiment d'ennui profond, par exemple.
Ainsi il s'agit de s'interroger sur la fuite du temps, et donc d'élaborer une réflexion sur l'éloignement, l'écoulement rapide et l'instabilité de ce changement continuel et irréversible qu'est le temps, par lequel le présent devient passé et l'avenir devient présent.
Que signifie alors que le temps fuit ? Quelle est l'origine de cette fuite, et quelles en sont les conséquences pour l'homme ? Le concept de « fuite du temps » n'est-il pas étroitement lié au caractère subjectif du temps ? Enfin, si le temps fuit véritablement, peut-on se soustraire à cette fuite ou ne doit-on pas plutôt adopter une morale nous indiquant comment faire bon usage du temps ?
En somme, il s'agit de s'interroger sur l'ambiguïté du temps : le sentiment de fuite est-il lié à l'essence même du temps ou bien à notre façon de le percevoir?
La notion de fuite du temps bouleverse le rapport de l'homme au temps. En effet, l'hypothèse d'un sentiment de fuite lié à notre perception du temps déboucherait sur un art de vivre par lequel nous ne gaspillerions pas notre temps: un aspect positif de la fuite de temps serait alors envisageable.
[...] On peut d'ailleurs remarquer que, dans le cas de la mort, la fuite du temps peut paraître objective: la mort est le problème de chacun, et elle semble pour tous - ou presque - arriver trop tôt. En dehors de ce cas-la, la fuite du temps semble plutôt appartenir au domaine de la subjectivité. Le temps est proprement subjectif. Si les aiguilles nous indiquent la même heure, je ne vivrai pourtant pas aussi longtemps que certains. On remarquera qu'il existe différents modes de temporalité ; ainsi nous pouvons développer le thème de l'ennui: il est possible que ce matin, je passe un moment particulièrement magique, et deux heures de ce temps ont alors passé réellement vite. [...]
[...] Détachés du passé, appréhendant le futur pour son caractère inconnu, les épicuriens souhaitent profiter du moment présent, ne sachant ce que demain leur réserve. Ronsard, grand adepte du Carpe Diem, écrivit dans son Sonnet pour Hélène: Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie C'est une invitation à la vie, et notamment à l'amour que Ronsard fait ici à Hélène. Par cette approche du temps, la fuite du temps devient secondaire, minime. [...]
[...] La fuite du temps prend donc son sens dans la vie de chaque homme. Le temps qui manque, son caractère insaisissable, son évanescence, mais surtout son irréversibilité qui nous rappelle la brièveté de notre vie, nous effraient. Même si la prise de conscience du temps qui passe est parfois difficile, l'homme entretient alors une relation tragique avec la temporalité. Mais celle-ci n'est elle pas également liée à l'ambiguïté du temps, ce changement au caractère particulièrement subjectif? Si la fuite du temps semble le problème de tous, une question se pose partant: le temps passe, ne fuit pas, de manière objective. [...]
[...] Le temps perdu ne peut pas se retrouver. C'est ainsi que naissent regrets, remords, nostalgie, Il est alors clair qu'on ne peut rien faire contre le temps et ses effets: Dorian Gray, personnage d'Oscar Wilde, est la preuve de cet échec contre le temps : essayant d'arrêter le temps, sa fin est tragique. Mais le plus tragique pour l'homme est la brièveté de sa vie, la certitude de sa mort. Selon Jankélévitch, nous sommes des "êtres-pour-la-mort". La fuite au temps est tragique car nous allons mourir, et chaque instant nous rapproche de la mort. [...]
[...] La fuite du temps nous pousse donc à agir. La fuite du temps est un concept complexe, renfermant l'idée de destruction, de vieillesse et de mort, et étant la source de la relation tragique de l'homme à la temporalité. La fuite du temps étant liée à notre propre perception du temps, certains usages de celui-ci, tel que le Carpe Diem, permettent à l'homme de faire face au temps, ce que débouche sur la découverte d'un rôle moteur de la fuite du temps. [...]
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