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D'emblée, la relation qui relie la force et la justice apparait sous le sceau de l'ambiguïté. Issue des Pensées, cette citation de Pascal met en évidence tout le paradoxe entre ces deux notions : elles sont réciproquement nécessaires, mais peuvent dans certains cas s'avérer contradictoires. Si l'application de lois nécessite un encadrement par des sanctions, un abus de la force dans le cadre juridique peut conduire à une injustice.
Dans ces conditions, la force, en tant que garante de la bonne application des lois, peut-elle être juste ?
[...] Ainsi, ces personnes pourront justifier l'usage de la force sous prétexte qu'il est juste, selon eux, d'en user. Car ce sont les dirigeants d'une société qui décident avant tout de ce qui est juste, ce qui fait que la justice diffère en fonction des pays, ainsi que le rappelle Pascal dans les Pensées : " Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà La peine de mort, sanction déployant un usage de la force considérable puisqu'il s'agit ici de retirer la vie à un individu, sera ainsi justifiée au Texas et interdite en France. [...]
[...] Personne n'accepterait de se soumettre à des lois imitant leurs droits sous le seul prétexte qu'elles soient justes. Effectivement, s'il est vrai que l'homme en société est rationnel et qu'il comprend aisément qu'il n'est pas dans son intérêt d'être entièrement égoïste, et donc qu'il devrait de toute évidence tendre à faire le bien, il d'après Kant, cette tendance à toujours se donner préférence. Il éprouve en lui un frein à la moralité qui lui commande de se disqualifier pour donner sa préférence à autrui et agit ainsi, lorsqu'aucun pouvoir supérieur ne le contraint à se soumettre à des règles, à agir comme le Gygès de Platon. [...]
[...] En effet, dans sa fable, le loup, qui apparaît comme cruel, tyrannique, supérieur, puisque c'est en fait le symbole de la force, va, du fait de sa supériorité sociale et physique vis-à-vis de l'agneau imposer une sanction à ce dernier, la mort, sous prétexte qu'il " trouble sa boisson argument qui vraisemblablement n'a pas de fondement, si ce n'est la justice subjective du loup. La Fontaine nous invite à voir derrière le récit animalier les rapports de force de la société humaine du XVIIe siècle, sous la monarchie absolue de Louis XIV. Mais on peut aisément ramener cette fable au cas général ou l'usage de la force par simple supériorité, au nom d'une prétendue justice, est au fond injustifié, et apparaît terriblement injuste, c'est-à-dire tyrannique. La force a donc besoin de la justice pour ne pas devenir tyrannie. [...]
[...] Dans ces conditions, dès lors que le peuple, c'est-à -dire le plus grand nombre, croit que la force est juste, elle le devient. Finalement, si la force est nécessaire en société pour l'instauration de la justice, indispensable pour assurer la paix entre les individus, elle fait parfois l'objet d'un abus de pouvoir par ceux disposant d'un statut supérieur aux autres, de par leur situation sociale ou leur abondance de moyens, et en ressort ainsi profondément injuste. Pour être justes, les individus au pouvoir usant de la force dans le cadre de l'application des lois doivent être jugés justes par le plus grand nombre, rendant ainsi, par le biais de persuasion et ruse, la force juste. [...]
[...] Pour que la force soit considérée juste, il suffirait que le plus grand nombre l'approuve, c'est -à -dire qu'elle donne une apparence de justice. Si le peuple accuse la justice, elle va perdre sa force elle-même. Ipso facto, l'union de force et justice engendre une force qui se légitime comme juste. Tout repose sur l'art de la persuasion. C'est ce qu'affirme Machiavel dans son ouvrage Le Prince, en indiquant que pour le bien de la force, il faut que le peuple soit trompé et qu'il pense que les lois soient justes. [...]
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