Il peut paraître étrange d'aborder l'entreprise philosophique sous l'angle d'une métaphore. Cette démarche se justifie néanmoins dans la mesure où la philosophie elle-même fait usage de cette métaphore : car ici le terme de «fonder » peut se rapporter aussi bien à l'efficience d'une action sur le réel qu'à la mimésis de cet acte, mimésis mise en scène par le discours philosophique. On peut établir les fondements d'une construction philosophique comme d'une construction réelle, tout en prétendant établir de façon permanente dans la sphère de l'esprit ce qui ne saurait l'être dans la sphère du temporel ; en cela la philosophie accomplirait de manière absolue dans la métaphore ce qui ne s'accomplit que relativement dans le réel, fondant par là même sa propre valeur en tant que discipline cognitive. Aussi nous semble-t-il légitime de questionner cette prétention, d'interroger dans cette métaphore les sciences et la philosophie elle-même, notamment en tant que celle-ci se veut science des fondements des autres sciences. Il s'agira donc d'observer le champ d'application de cette métaphore, puis d'en interroger la pertinence. Mais on peut déjà préciser que le terme «fonder » a lui-même un sens figuré, à savoir «servir comme de fondement », sens où il est analogie de lui-même : redoublement de la métaphore qui nous suggère que toute entreprise cognitive n'est elle-même que la consolidation d'une métaphore, et qui renvoie l'acte fondateur et son sol dans un infini recul vers le mythe. Le rejet de la métaphysique du fondement ouvre donc sur une philosophie de l'immanence dans laquelle il devient possible de questionner le langage et la pensée en tant que celle-ci repose justement sur un langage métaphorique, de parcourir la pensée comme un espace entre deux métaphores.
[...] Ainsi à la métaphore du fonder pouvons-nous substituer celle du sous- tendre : la métaphore du fonder est en effet aussi un procédé classique de dissimulation dans lequel l'a posteriori se déguise en a priori : fonder, c'est appliquer un discours justificateur, donner la raison de dans une perspective agonistique : le fonder, naturalisation d'un état de choses posteriori déguisé en a priori naturel), ou justification d'un jugement (par exemple a priori raciste déguisé en a posteriori économique), est le lieu privilégié de l'idéologie. Le nationalisme fait appel aux pères fondateurs pour déguiser son fondamentalisme Démasquer l'arbitraire du fonder, c'est mettre à jour le discours sous le discours, qui sous-tend, le présupposé. [...]
[...] Il s'agira donc d'observer le champ d'application de cette métaphore, puis d'en interroger la pertinence. Mais on peut déjà préciser que le terme «fonder a lui-même un sens figuré, à savoir «servir comme de fondement sens où il est analogie de lui-même : redoublement de la métaphore qui nous suggère que toute entreprise cognitive n'est elle-même que la consolidation d'une métaphore, et qui renvoie l'acte fondateur et son sol dans un infini recul vers le mythe. Le rejet de la métaphysique du fondement ouvre donc sur une philosophie de l'immanence dans laquelle il devient possible de questionner le langage et la pensée en tant que celle- ci repose justement sur un langage métaphorique, de parcourir la pensée comme un espace entre deux métaphores. [...]
[...] Cette exigence repose sur une mécanique ou une physique implicite de l'intellect qui veut que plus les fondations sont solides, plus on pourra construire haut et droit (hauteur et rectitude sont encore des images que l'on pourrait décoder, dans une opposition valorisée entre le haut et le bas, le droit et le gauche-tordu Panofsky montre dans Art Gothique et pensée scolastique que la métaphore inverse a pu se développer, l'art gothique résultant d'une habitude mentale : la théologie en train de s'instaurer jouant le rôle de habit forming force Le phénomène relève plutôt d'une sorte de contamination métonymique : les bâtisseurs sont exposés à la métaphysique, dont ils reproduisent les figures Cette métaphore du fondement permet donc de rendre compte d'une méthode de pensée : elle explique la remontée ou la régression des causes jusqu'au point fixe causa sui. Cependant, cette métaphore qui lie architecture et philosophie ne saurait être pleinement saisie hors du lien qui unit ces deux pôles à un troisième, celui des mathématiques : lien d'analogie depuis le Ménon, qui introduit les mathématiques comme une propédeutique à la philosophie, et qui permet d'expliquer l'interruption par Spinoza de la rédaction du De Emendatione Intellectu sur cette exclamation : Habemus ideam veram ! L'ordre, le droit, ne fait qu'un avec le Vrai et ce vrai est géométrique. [...]
[...] Première métaphore. L'image à nouveau transformée en un son articulé ! Deuxième métaphore. Et chaque fois un saut complet d'une sphère dans une autre sphère tout autre et nouvelle. [...]
[...] Fonder Il peut paraître étrange d'aborder l'entreprise philosophique sous l'angle d'une métaphore. Cette démarche se justifie néanmoins dans la mesure où la philosophie elle-même fait usage de cette métaphore : car ici le terme de «fonder peut se rapporter aussi bien à l'efficience d'une action sur le réel qu'à la mimésis de cet acte, mimésis mise en scène par le discours philosophique. On peut établir les fondements d'une construction philosophique comme d'une construction réelle, tout en prétendant établir de façon permanente dans la sphère de l'esprit ce qui ne saurait l'être dans la sphère du temporel ; en cela la philosophie accomplirait de manière absolue dans la métaphore ce qui ne s'accomplit que relativement dans le réel, fondant par là même sa propre valeur en tant que discipline cognitive. [...]
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