Qu'il s'agisse de mythes antiques (mythologies grecque, celtique, égyptienne, inca, etc.) ou modernes, les représentations que s'est fait l'homme de son monde remplissent une même fonction principale: canaliser les forces et les angoisses et maintenir la cohésion au sein d'un société donnée. L'orientalisme, système de mythes sur l'Orient qui a connu son apogée au XIXe siècle, opère dans le même sens. En effet, les velléités coloniales sur lesquelles il repose comportent elles aussi leur lot d'ambiguïtés, de peurs et d'instabilité, qui demandent à être apaisées. De quelque manière que ce soit.
Chaque entreprise coloniale est un face à face, la plupart du temps brutal, avec un Autre. Afin de maintenir l'ordre social de la colonie, cet Autre doit impérativement être gouverné, maîtrisé, dominé jusqu'à la déshumanisation. C'est ici qu'intervient la mythification du peuple soumis, potentiellement menaçant parce qu'étranger, donc inconnu. En élevant (ou en abaissant, c'est selon) la réalité vivante et changeante du pays colonisé au niveau de mythe, le colonisateur évacue toute nuance, tout relativisme pour transformer la population dominée en une série de figures immuables et ainsi lui enlever tous droits inhérents à son humanité.
C'est ainsi que la mythification du Maghrébin, dont traite ici ce texte, s'inscrit dans une logique beaucoup plus large, celle de l'orientalisme, "discipline" ayant contribué à asseoir une des entreprises les plus ambitieuses et les plus déterminantes de notre ère.
[...] Il est donc lié de très près à la réalité factuelle du contexte dans lequel il évolue, puisqu'il répond de celui-ci, tout comme ce contexte se nourrit du mythe. On pourrait donc le qualifier de mythe social. En effet, l'évolution de la représentation de l'Arabe en Occident s'est faite au gré des alliances des types de relations entretenues avec l'Orient, ce qui fait que, selon Saïd[9], l'orientalisme nous en apprend beaucoup plus sur l'Occident que sur l'Orient lui-même. Il est aisé de voir, à la manière dont les textes sont articulés quels intérêts et présupposés se cachent derrière chaque auteur, et par extension derrière sa société ) Fonctions de ce mythe L'histoire de la colonisation au Maghreb en est une passionnelle, faite d'amour et de haine réciproques. [...]
[...] Mais il stimule ou fait rire."[11] La prostituée musulmane, le mendiant de la Casbah, le petit arabe qui tue pour manger sont tous des personnages qui se trouvent idéalisés dans les livres, pour aider à supporter leur existence dans la vraie vie ) Différentes figures de l'Arabe Il ne s'agira ici que d'une simple énumération visant à donner une idée d'ensemble de la perception occidentale contemporaine de ce sujet. J'ai interrogé quelques personnes (des jeunes surtout) afin de voir ce à quoi leur imaginaire répondait face au mot arabe. N.B.: Il ne faut pas s'offusquer des contradictions, elles sont normales et inévitables. Les Arabes sont hospitaliers, fiers, orgueilleux, belliqueux, souvent fanatiques par rapport à leur religion (laquelle?). La famille leur est très importante. [...]
[...] Albert Memmi, soulignant, dans son anthologie, " . qu'on a fort bien entendu dans la littérature coloniale ses accents de triomphe, ses victoires sur la nature et sur les hommes: on en a pas assez aperçu le pathétique, qui est pourtant profond"[10], constate que la mythification systématique de divers éléments de la société musulmane maghrébine répond surtout à l'urgence du colonisateur de se positionner lui-même dans ce pays d'où il est, envers et contre tous, étranger (malgré tous les efforts entrepris, il semble que, fondamentalement, il y a toujours eu chez les Français du Maghreb un malaise face à l'occupation que tous savaient, sinon sentaient illégitime). [...]
[...] La Grande Guerre n'a pas encore commencé à effriter le titanesque Empire. Les relations entre les Français et les Arabes sont au beau fixe: il y a toujours ces accrocs inhérents à l'immense fossé économique, culturel et politique qui les sépare, mais l'Indigène est pacifié et les deux clans se côtoient, se tutoient, nouent des liens d'amitié ou d'amour. Si, dans le roman, les liens qu'entretient Michel avec les enfants Arabes sont poétiques, presque amoureux, il n'en demeure pas loin que le pays tout entier le rend, lui et sa femme, malades. [...]
[...] Cit. p.352. Fours de terre cuite construits à même le sol, à l'intérieur de la maison traditionnelle maghrébine. Toutes les affiches sont tirées de Manière de Voir juillet-août 2001. MEMMI, A. Op. Cit. p.15. [...]
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