Fiction, historien, raconter des histoires, transmettre l'histoire, subjectivité de l'historien, histoire discipline académique, travail de l'historien, champ fictif littéraire, cinématographique, discipline historique
Si la fiction n'est que le fruit de l'imagination, elle semble se situer dans un registre bien distinct de celui de l'histoire. Quel intérêt aurions-nous à écouter un historien raconter des histoires qu'il aurait inventées lui-même ? Il ne s'agirait plus d'un historien, mais plutôt d'un affabulateur ou au mieux, d'un conteur de fables et de légendes. Il convient de préciser que l'historien ne raconte pas des histoires, il transmet l'histoire, c'est-à-dire des épisodes de faits qui se sont réellement produits dans le passé, ce qui est bien différent. Du latin "fictus", de "fingere", le terme fiction renvoie étymologiquement à la fois à l'acte d'imaginer et de feindre, ce qui ne fait que renforcer de toute évidence l'idée de désintérêt de la fiction pour le réel, préférant plutôt se plonger dans l'illusion et la facticité.
[...] En ce sens, elle semble avoir en commun avec la fiction d'être une création, ou une « recréation », a posteriori. L'idée de représentation apparaît dès lors comme la médiation entre le réel de l'histoire et l'idéal de la fiction, de même que l'histoire doit être reléguée à la fiction au sens où elle ne serait qu'une copie imparfaite des faits passés. Ainsi, comme l'écrit Paul Veyne, l'histoire ne peut s'assimiler qu'à un « roman vrai » au sens où les éléments qui sont rapportés se sont réellement produits, toutefois, il n'est pas exclu que certains éléments ne soient pas fidèles aux faits passés. [...]
[...] Peut-être une part est-elle laissée à la subjectivité de l'historien. Ce que l'on appelle « l'Histoire » n'est pas une sorte de musée fixé, mais un travail d'interprétation constant qui peut, d'ailleurs, mobiliser des intérêts très divergents au fil des époques. Si la subjectivité de l'historien est susceptible de se glisser accidentellement dans les travaux qu'il mène, il n'est pas exclu, ce faisant, que cette même subjectivité puisse se révéler à certaines occasions nécessaires et par là même avantageuse, par exemple lorsqu'il se trouve face à des documents difficilement interprétables sur lesquels il faudrait enquêter. [...]
[...] L'enjeu de la question sera donc, plus largement, de savoir si la fiction est à rejeter totalement par l'historien parce que factice ou si une réconciliation est envisageable, notamment sur la question de savoir si cette facticité pourrait servir à d'autres fins, heuristiques, par exemple. Dans un premier temps, si l'histoire est une discipline académique s'appuyant sur des faits réels, et la fiction sur tout ce qui est non réel, elles ne peuvent rien avoir en commun ; ceci étant, nous pouvons légitimement douter du pouvoir qu'aurait l'historien à accéder aux faits eux-mêmes dans leur plus parfaite exactitude. [...]
[...] Dans la vie ordinaire, nous n'avons pas de difficulté à distinguer un mythe d'un documentaire historique d'un roman : cela va de soi. Il est à noter par ailleurs que la distinction conceptuelle réelle/imaginaire sert de critère de séparation entre l'histoire et la fiction, ce qui explique peut-être le fait que la conscience d'avoir face à soi des événements rapportés à caractère véridique, c'est-à-dire qui ont été vécus par des personnes dans un espace- temps bien déterminé, suffit à leur donner plus de poids et de tragique que lorsque nous savons qu'ils résultent de la fiction. [...]
[...] Tout ce qui appartient à la fiction n'est donc pas à rejeter par l'historien. Une collaboration entre histoire et fiction est possible à condition, bien entendu, que la fiction ne vienne pas prendre la place de l'histoire pour attaquer sa visée de connaissance. Cette conciliation peut s'avérer fructueuse pour le travail de l'historien, dans la mesure où la fiction peut lui servir de matériau dans la mise en forme de son récit historique aussi bien que pour mener ses investigations scientifiques. [...]
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