Freud entame son propos en insistant sur ce qui semble être un point constitutif et nécessaire à la civilisation : ''l'ordre et la propreté''. Cette donnée désigne l'environnement social et civilisé : il n'est pas question d'une nature primitive, mais d'un espace policé où règne la culture. À partir de là, d' ''ordre'' et de ''propreté'', c'est définir des notions, des exigences culturelles qui témoignent de l'aptitude de l'homme à se détacher de la nature. Au même titre, n'est-ce pas faire référence à l'évolution d'une nature initiale devenue civilisation par le fait d'un traitement humain, d'acquis apportés par un apprentissage ? (...)
[...] C'est notamment en se confrontant à des principes civilisateurs, à des règles sociales et en s'imposant des limites (prohibition de l'inceste) que l'homme marque son adhésion à la civilisation en contrôlant ses désirs voire en les jugulant pour le bien du commun: il est question de la sublimation des pulsions. Le rôle de la culture est donc salutaire, dans la mesure où il élève l'homme, le perfectionne en le sortant de sa médiocrité primitive; lui fait prendre conscience de sa valeur sur le plan dialectique (la rationalité est préférable aux indomptables passions source de souffrances) et également parce que la culture s'avère être le moteur du processus de civilisation. [...]
[...] Si nous tenons cependant à savoir à quelle valeur peut prétendre notre conception du développement de la civilisation, considéré comme un processus particulier comparable à la maturation normale de l'individu, il devient évidemment nécessaire de nous attaquer à un autre problème et de nous demander tout d'abord à quelles influences ce dit développement doit son origine, comment il est né, et par quoi son cours fut déterminé. Commentaire: Père fondateur de la psychanalyse, Freud rédige en 1929, Malaise dans la civilisation. Dans cet ouvrage, il s'interroge sur différents faits de civilisation, tels que la sublimation des instincts et le refoulement volontaire des désirs. [...]
[...] L'auteur de Malaise dans la civilisation semble avancer que la culture est une source de souffrance pour l'homme; étant donné qu'elle le pousse à renier sa nature, elle encourage l'homme à lutter contre ses pulsions. Ce malaise est l'oeuvre de la ''non-satisfaction de puissants instincts''; autrement dit, en pratiquant une sorte de refoulement contre-nature, une restriction liberticide qui va à l'encontre de ce qui conditionne l'homme, celui-ci va s'inscrire certes dans une logiques culturelle mais également dans une dialectique de souffrance sociale et d'insatisfaction liées au fait que les désirs ne peuvent être assouvis et pleinement contentés au sein de la civilisation. [...]
[...] En attendant, c'est en ce ''renoncement culturel'' que réside cause de l'hostilité contre laquelle toutes les civilisations ont à lutter''. Cette formule fait sans doute référence à des faits inacceptables dans un espace civilisé, en sorte que la prohibition des pulsions entraînerait une frustration chez l'homme qui aboutirait à des actes irrémissibles tels que le viol ou encre l'inceste, condamnés par les règles sociales en vigueur. Il y a cependant un paradoxe: les pulsions sexuelles sont à la fois source de plaisir et de bonheur à l'état de nature et, a contrario, elles sont source de destruction à l'échelle non seulement sociale mais aussi humaine puisqu'elles entraînent une dépendance. [...]
[...] Dès lors, modifier des ''pulsions instinctives'', ce serait presque s'inscrire dans un schéma culturel, dans le sens où ce serait nier ce qui constitue notre origine. En s'assignant ''d'autres voies'', en détournant nos désirs et en allant même jusqu'à les désavouer pour ne plus dépendre de la nature, nous nous mentons, nous nous ''sépar[ons] de [nous-mêmes], en niant ce qui nous définit intrinsèquement. La sublimation devient une activité déterminante qui marque notre cheminement jusqu'à notre ''développement culturel'': les liens naturels sont rompus et l'homme maîtrise ses désirs afin qu'il s'établisse définitivement en être de culture. [...]
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