La période présocratique a vu foisonner les nouvelles tentatives d'explications non religieuses de la nature et, dans une moindre mesure, de l'être humain lui-même.
Bien qu'elles se révèlent tout aussi naïves que le mythe à nos yeux de contemporains, elles ont le très grand mérite de marquer le coup d'envoi de la culture scientifique.
Mais à peu près à la même époque, les sophistes ont manifesté un grand scepticisme à l'égard de ces premières tentatives d'explication rationnelle (...)
[...] Cependant, l'histoire n'a pas reconnu de tels mérites aux sophistes. On les dépeint ordinairement comme des gens plutôt cyniques, préoccupés avant tout par la recherche de la richesse et des honneurs et non celle de la vérité, avec laquelle ils prenaient volontiers des libertés. Comme on le voit clairement avec Hippias, ils se servent bien davantage des problèmes humains pour leur avantage qu'ils ne contribuent à leur solution. Pourtant, indépendamment de leurs motifs, leur passage a eu une influence positive. [...]
[...] Faut-il voir dans leurs critiques la première manifestation d'un relativisme dangereux et stérile ou celle, au contraire, d'un esprit critique sans lequel nul progrès n'eut été possible? Dans ce texte, nous tenterons de démontrer que la critique sceptique, telle que formulée par les sophistes, a été d'une importance capitale dans l'établissement de la métaphysique. Par l'idée de critique, nous entendons l'exigence d'une pensée fondée sur des critères. Cette critique se fait sceptique quand elle remet en question des idées reçues. Elle se fait relativiste quand elle estime que nulle réponse ne peut prétendre davantage qu'une autre à la vérité. [...]
[...] Nous nous sommes interrogés sur la fécondité de la critique sceptique formulée par les sophistes. Nous croyons quant à nous qu'elle a continué puissamment à jeter les bases de la métaphysique, en plus de donner ses titres de noblesse à la réflexion sur l'être humain, en général. Elle nous invite non seulement à nous délivrer tout à fait de l'asservissement à l'imaginaire, mais, par ses questions, elle nous force à tenter de prendre la mesure de notre réel pouvoir de connaître. [...]
[...] Quant à sa théorie des quatre éléments, elle a mis les chercheurs sur une fausse piste, et pour longtemps. Le caractère imaginatif des visions présocratiques se révèle aussi dans les querelles auxquelles elles ont donné lieu. Il faut voir avec quel aplomb Parménide rejette du revers de la main, et non sans raison, les prétentions des physiologues milésiens et d'Héraclite, empruntant néanmoins lui-même la Voie de l'opinion qu'il leur reprochait de suivre. Enfin, les sophistes estimaient que toutes ces spéculations cosmologiques étaient trop loin des soucis réels des êtres humains. [...]
[...] Il faut bien convenir que sur le plan du contenu, ces modèles explicatifs ne sont guère plus objectifs que les fables et les mythes qu'ils devraient remplacer. Ils sont au mieux inutiles, au pire carrément nuisibles. Ce fait est d'abord attesté par la diversité des doctrines. Thalès proclame-t-il que l'Eau est l'unique principe dont tout provient? Aussitôt, il contredit par Anaximandre qui introduit le nébuleux concept d'Apeiron et Anaximène qui rétorque que c'est l'Air qui est au fondement de tout. [...]
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