Dans l'Antiquité, le maître était celui qui maintenait sous son autorité des esclaves qui travaillaient pour lui et lui permettaient ainsi de jouir d'une oisiveté qui lui donnait la possibilité de s'adonner à la politique ou à la philosophie.
Mais aussi, on ne peut manquer de songer à la relation de Platon à son maître Socrate, lui ouvrant les voies de la vérité et de la liberté. Le maître peut donc être pris en mauvaise ou en bonne part selon qu'on l'envisage dans sa relation à l'esclave ou au disciple. Faut-il alors reconnaître quelqu'un comme son maître ? (...)
[...] Faut-il reconnaître quelqu'un comme son maître ? S'il n'y a de maître que par une reconnaissance libre, à l'inverse on ne voit pas comment une liberté pourrait s'asservir à un maître. Tout assujettissement des esprits ou des volontés détruit l'homme en son être essentiel. Cependant le rapport du maître au disciple dans la connaissance a remis en cause cette évidence. Nous ne pourrions accéder à une conscience de soi autonome que par la reconnaissance d'un maître qui nous amène à refouler nos instincts et à réaliser notre humanité. [...]
[...] Le rapport de force doit se transposer pour se perpétuer : de physique, il devient moral. L'esclave doit reconnaître la valeur supérieure du maître et se soumettre de son gré. D'ailleurs, ce dépassement n'est pas seulement exigé par la conservation des rapports de force. Il l'est aussi par l'idée même de maître. Le maître ne doit pas seulement être maître des corps mais aussi des volontés. Par là seulement il prend possession de ce qu'il y a d'essentiel en l'homme. [...]
[...] Nul ne saurait donc reconnaître un maître à sa volonté. Pourtant, comme Kant le montre lui-même dans Réponse à la question: qu'est-ce que les Lumières?, l'être humain n'est pas d'abord pleinement libre: il doit être éduqué afin de cultiver sa liberté et cette éducation suppose qu'il se soumette d'abord aux contraintes, aux règles qu'un maître lui impose. Cette première reconnaissance n'est-elle pas alors nécessaire à l'affranchissement, à la réalisation d'une liberté authentique? Il apparaît ainsi, à la lumière de ses analyses, que si tout homme doit penser par lui-même et exercer librement sa volonté, car sans cela la liberté ne serait qu'apparente, il ne peut accéder à la liberté de pensée que grâce à un initiateur qui le guide vers la vérité. [...]
[...] Reconnaître quelqu'un comme son maître, c'est se soumettre à sa "loi un tel assujettissement ne peut être, semble-t-il, que générateur de servitude et d'aliénation de la liberté. La maîtrise apparaît comme un "dressage", une forme répressive de relation avec autrui. Faire de la reconnaissance une nécessité, c'est oublier que la reconnaissance du maître n'ouvre souvent qu'à la sphère de l'oppression. Le moment de la liberté intervient, précisément, quand le sujet refuse de reconnaître quelqu'un comme son maître. C'est contre la reconnaissance que se construit la liberté. [...]
[...] Maître et disciple ont ainsi le même projet et se trouvent sur un terrain commun : celui de la recherche de la vérité et de la liberté. Chacun est le témoin de l'autre et le maître ne doit ce titre qu'au fait qu'il guide le disciple dans le chemin de la vérité et de la liberté. Platon exprime ce paradoxe dans le mythe de la réminiscence. Tout homme, malgré son ignorance, est déjà, en un sens, dans la vérité, sans quoi il ne pourrait jamais l'atteindre ni même la chercher. C'est qu'il l'a apprise dans une vie antérieure. Tout savoir est donc un ressouvenir. [...]
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