Dans La vitesse de l'ombre, Jean-Marc Lévy-Leblond fait le constat de l'échec du projet initial de la science moderne qui n'a su nous rendre ni les maîtres ni les possesseurs d'une nature qui s'est révélée bien plus complexe que ne devait l'imaginer Descartes. La
science peine en effet toujours à rendre intelligible de nombreux phénomènes : elle ne peut, par exemple, expliquer les mécanismes biologiques à l'oeuvre dans diverses maladies ni les déterminants géologiques des tremblements de terre. Beaucoup de domaines échappent à la théorisation et ne peuvent être traités que de façon empirique, grâce à des méthodes qui s'apparentent davantage à l'artisanat précédent la révolution scientifique.
[...] A travers le développement industriel assis sur la science, l'homme exerce désormais une influence sur le climat mais on ne peut pas parler de maîtrise. La science à visée utilitariste a déchainé des processus qui échappent à son contrôle et qui constituent une menace pour 1 Paul Claudel, Bestiaire spirituel 2 Alain Finkielkraut, La question des limites in Nous autres, modernes 3 Jean-Marc Jancovici, L'Avenir climatique : Quel temps ferons-nous ? 4 Faut-il exiger de la science qu'elle nous soit utile? l'humanité. [...]
[...] A l'inverse estimaient en 1972 que le pouvoir des scientifiques pouvait être dangereux, contre 41% en 2000. Dans son article Sciences, progrès et élection 2002 Thierry Méot montre que parmi les déterminants de ce sentiment d'insécurité qui joua un rôle majeure pendant la campagne présidentielle de 2002, la question de l'évolution du rapport de la société à la science et à la technique avait sans doute elle aussi jouée un rôle majeur. Ainsi, la science pourrait être replacée dans une perspective plus mesurée de recherche de la connaissance pour elle même plutôt que dans une quête de l'utile. [...]
[...] Dès lors, la science et la technique deviendront progressivement les instruments de cette émancipation. Au Moyen-Âge, les matières littéraires et scientifiques composent ensembles les arts libéraux, conçus comme une contemplation désintéressée du réel qui conduit à la liberté et à la quête de vérités philosophiques. La Renaissance introduit une rupture métaphysique qui bouleversera l'étude des arts libéraux. Dans ses Essais, Montaigne ne voit plus dans la mort la finalité de l'existence du philosophe, elle est le bout, non pourtant le but de la vie Cette nouvelle conception de la mort, et donc de la vie, vient ébranler l'ancienne vocation des arts libéraux. [...]
[...] Nous verrons que, toutefois, que le projet de rétablissement d'une science contemplative apparaît difficilement réalisable dans nos sociétés héritières de la modernité Francis Bacon, Novum Organum 1 Faut-il exiger de la science qu'elle nous soit utile? * Le projet moderne d'accroissement continu de l'empire humain sur les choses grâce à la science semble aujourd'hui difficilement accessible et sans doute dangereux. La soumission de la science à la satisfaction des besoins humains, contestée aujourd'hui par Lévy-Leblond, est un héritage de la modernité. [...]
[...] La condamnation de Galilée, défenseur des thèses coperniciennes, par le SaintOffice en 1633 marque l'avènement de la science moderne. Eppur si muove ! aurait-il alors déclaré. Depuis Galilée, la vérité ne se décrète plus, elle est le fruit de l'expérience scientifique. Le dogme devient impuissant face à la réalité mesurée par le télescope. L'expérimentation galiléenne se distingue de la contemplation des Anciens, car la compréhension du monde repose désormais sur la mesure et sur la mathématisation du réel. Après Galilée, Descartes fait entrer la logique mathématique dans la philosophie. [...]
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