Les enquêtes actuelles sur une éventuelle baisse du pouvoir d'achat des consommateurs font grand bruit. On craint les réactions des électeurs : les commentateurs rapprochent l'impopularité des leaders politiques à leur incapacité à garantir la richesse des citoyens. La corrélation entre bonheur et richesse est néanmoins infirmée par les Français eux-mêmes à travers divers sondages. Citons notamment une étude réalisée pour le Pèlerin magazine en 2004 où la richesse n'apparaît qu'en quatrième position parmi les critères de bonheur, et ce, après la famille, les enfants et la santé.
Le paradoxe aurait pourtant facilement été résolu si on avait inversé les termes de la question en demandant aux sondés s'ils étaient en mesure d'envisager le bonheur dans la pauvreté. Les réponses auraient été négatives car nul, de nos jours, ne peut espérer vivre en bonne santé et mener une vie de famille épanouie sans moyens financiers conséquents. Il semble donc que notre condition de nantis – du moins relativement à la majeure partie de la population mondiale – nous fasse ignorer à quel point nous faisons dépendre notre bonheur aux ressources financières. Malgré cela, il est utile et légitime de se poser les questions suivantes : Est-ce que je peux envisager d'accéder au bonheur autrement que par la richesse ? Est-ce que la pauvreté empêche réellement d'être heureux ?
Les prescriptions évangéliques ont à ce sujet une perspective radicale : c'est la richesse – et non la pauvreté – qui empêche d'accéder au bonheur, défini comme salut. Pourtant l'application de ces prescriptions n'est pas exempte de contradictions. Ces contradictions doivent au caractère purement ultramondain de la doctrine évangélique. C'est pourquoi articuler lucidement bonheur, richesse et pauvreté implique d'adopter une perspective sociale où les comparaisons interpersonnelles jouent un grand rôle. Toutefois, afin de s'extirper d'une définition par trop rudimentaire du bonheur, on est tenu, en définitive, de relativiser la nécessité de la richesse financière dans l'objet d'une vie heureuse – toujours entendue au sens social.
[...] Si la richesse favorise indéniablement le bonheur, en est-elle pour autant un critère essentiel ? Le constat indéniable selon lequel la disposition de ressources financières conduit à une vie heureuse ne relève- t-il pas de la pure contingence ? Le passage suivant de Gorgias de Platon révèle le critère essentiel du bonheur qu'est l'autonomie : Chacun posséderait de nombreux tonneaux, l'un des tonneaux en bon état et remplis, celui-ci de vin, celui-là de miel, un troisième de lait et beaucoup d'autres remplis d'autres liqueurs, toutes rares et coûteuses et acquises au prix de mille peines et de difficultés ; mais une fois ses tonneaux remplis, notre homme n'y verserait plus rien, ne s'en inquiéterait plus et serait tranquille à cet égard. [...]
[...] Toutefois, ce n'est pas pour autant qu'il faille réduire le bonheur à une question d'éthique personnelle. Les facteurs politiques et sociaux jouent un rôle non négligeable. La richesse n'est en réalité qu'un de ces facteurs parmi d'autres. Pour quelles raisons, exactement, la richesse favoriserait le bonheur dans nos sociétés contemporaines ? La raison est simple : elle constitue un facteur majeur d'autonomie. Elle accroît la liberté de choix des fins à poursuivre et donne davantage de moyens dans la poursuite de ces fins, une fois choisies. [...]
[...] Mais ce critère ne va pas sans poser de problèmes. Elle suppose qu'un niveau de richesse est satisfaisant à partir du moment où les besoins les plus élémentaires sont satisfaits. Mais qui peut définir ces besoins ? Les fonctions vitales sont en réalité historiquement et culturellement déterminées. C'est ce que nous explique Adam Smith dans ce passage de La richesse des nations : necessaries I understand not only the commodities which are indispensably necessary for the support of life, but what ever the customs of the country renders it indecent for creditable people, even the lowest order, to be without. [...]
[...] Est-ce que la pauvreté empêche réellement d'être heureux ? Les prescriptions évangéliques ont à ce sujet une perspective radicale : c'est la richesse et non la pauvreté qui empêche d'accéder au bonheur, défini comme salut. Pourtant, l'application de ces prescriptions n'est pas exempte de contradictions. Ces contradictions doivent au caractère purement ultramondain de la doctrine évangélique. C'est pourquoi articuler lucidement bonheur, richesse et pauvreté implique d'adopter une perspective sociale où les comparaisons interpersonnelles jouent un grand rôle. Toutefois, afin de s'extirper d'une définition par trop rudimentaire du bonheur, on est tenu, en définitive, de relativiser la nécessité de la richesse financière dans l'objet d'une vie heureuse toujours entendue au sens social. [...]
[...] L'INSEE considère qu'une personne se trouve en dessous du seuil de pauvreté si ses revenus sont inférieurs à 60% du revenu médian, correspondant à 681 euros par mois pour une personne seule. C'est ce qui explique pourquoi on peut dire aujourd'hui qu'il y a sept millions de pauvres en France. Etant donné le seuil de pauvreté, la plupart d'entre eux mangent convenablement ont un toit, une télévision et bénéficient de soins. Toutefois, conformément au terme en usage aujourd'hui, ils sont exclus car dépourvus de pouvoir social. Peut-on imaginer se tenir correctement informé sans disposer d'une connexion internet ? [...]
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