"La nature est l'ensemble des phénomènes qui se produisent d'eux-mêmes, de façon régulière et indépendamment de toute intervention divine arbitraire" écrit D. Bourg dans Nature et technique. La nature revêt donc d'emblée un caractère autonome qui lui suffit apparemment pour se poser en tant qu'entité à part entière. Aristote va plus loin dans la définition de la nature qu'il assimile à l' « essence des êtres qui ont en eux-mêmes et en tant que tels, le principe de leur mouvement ». La nature est ainsi considérée comme un sujet actif ayant pour champ l'existence et surtout l'agir. Dès lors, si l'on considère le cas particulier de l'homme –les autres êtres n'ayant pas la possibilité d'échapper à la nature -, la question de la nature se pose comme celle d'une alternative : faut-il, doit-on suivre la nature ? Une telle interrogation risque néanmoins de tourner court car elle se heurte à l'impossibilité d'une vie totalement détachée de la nature (la grossesse, par exemple, reste un phénomène naturel non réalisable en laboratoire en ce qui concerne les êtres humains). C'est pourquoi il s'avère plus judicieux de nous pencher sur la manière qu'ont les hommes de « suivre la nature » : s'agit-il d'un acte volontaire visé en tant qu'idéal, d'un choix de vie pour ainsi dire ; ou d' comportement de résignation ? Une première partie nous permettra de considérer la première alternative, où l'homme est pour ainsi dire au service de la nature. Des considérations d'ordre historique et scientifique nous inviteront dans une deuxième partie à totalement relativiser cet asservissement, en montrant en quoi la nature a pu aussi devenir un simple matériau ou outil. Devant les échecs rencontrés lors de telles expériences, nous pourrons alors redéfinir une relation homme-nature sur un mode plus individuel : plutôt que de chercher à suivre la nature-modèle, l'homme ne devrait-il pas essayer d'accepter et de suivre sa propre nature ?
[...] Jusqu'à quel point faut-il suivre la nature, et quand est-il judicieux de s'en éloigner ? La question n'est jamais franchement abordée par les philosophes, mais on peut néanmoins dégager deux grandes tendances. D'une part, Epicure qui refuse de prendre la nature pour strict modèle et recommande plutôt d'en tirer le meilleur parti tout en restant persuadé que nous sommes libres, c'est à dire que certaines choses sont en notre pouvoir. Cette condition suprême de liberté est d'ailleurs évoquée par Marc- Aurèle pour qui elle correspond avant tout à une vie dépourvue de toute action ou pensée non nécessaire. [...]
[...] En fournissant de nouvelles explications et de nouvelles méthodes, il font de la nature une science nouvelle qui n'est plus principe des mouvements non hasardeux mais ensemble de choses matérielles obéissant à des lois simples et universelles. Il ne s'agit donc plus de suivre la nature, mais de prendre en compte un ordre de la nature légalisé et mathématiquement exprimable. Peut-on alors encore dire que suivre la nature est vécu comme un idéal ? Montaigne dans ses Essais déplore les conséquences de cette étude trop poussée de la nature. [...]
[...] Une première partie nous permettra de considérer la première alternative, où l'homme est pour ainsi dire au service de la nature. Des considérations d'ordre historique et scientifique nous inviteront dans une deuxième partie à totalement relativiser cet asservissement, en montrant en quoi la nature a pu aussi devenir un simple matériau ou outil. Devant les échecs rencontrés lors de telles expériences, nous pourrons alors redéfinir une relation homme-nature sur un mode plus individuel : plutôt que de chercher à suivre la nature-modèle, l'homme ne devrait-il pas essayer d'accepter et de suivre sa propre nature ? [...]
[...] Rousseau tente d'ailleurs d'apporter une explication à l'existence de ces blocages, en constatant que chaque vérité vient avec cents jugements faux et que la vie en société et notre curiosité, nous obligent à juger même de choses dont nous ne savons rien. Il propose ainsi comme solution d'apprendre à bien juger, c'est à dire simplifier au maximum nos expériences jusqu'à pouvoir nous en passer sans tomber dans l'erreur, et donc être capable de juger de choses que nous n'avons pas vécues. [...]
[...] Rosset, dans L'Antinature, procède ainsi à une véritable revalorisation du rôle de l'homme, qui remplace tout d'abord la nature en tant que référentiel pour distinguer le naturel de l'artificiel. Rosset ne nie cependant pas la force autonome silencieuse qui semble propre à la nature, mais il s'emporte contre les éducateurs du XVIII° qui, comme Rousseau, cherche à donner le sentiment de la nature au moyen de tableaux plus artificiels que l'artifice et à faire l'économie d'une idée insupportable pour la raison, la notion de hasard qui implique une insignifiance radicale qu'il est bien plus aisé de camoufler derrière une nature existante que de reconnaître comme telle, incomprise mais bien réelle. [...]
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