"L'enfer, c'est les autres" : c'est sur cette phrase pour le moins frappante et catégorique que s'achève "Huis clos", la célèbre pièce de Sartre. Ainsi pourrions-nous donc supposer, a priori, que nos rapports avec les autres seraient toujours cruels, empoisonnés, infernaux, justement... Les trois personnages de "Huis Clos" sont d'ailleurs condamnés à une éternelle promiscuité : de fait, il leur est littéralement impossible d'échapper aux deux autres ou, plus précisément, à leur regard, si pesant !
Faut-il craindre le regard d'autrui ? Avons-nous donc à avoir peur, à redouter les yeux que pose sans cesse sur moi cet alter ego, cet autre moi qui est autre que moi ? Pourquoi donc ? Se pourrait-il vraiment qu'il soit malveillant, dérangeant, opprimant même ? Infernal ? Serait-il une menace, un danger ? Au demeurant, la peur du regard d'autrui est une expérience souvent quotidienne... Mais est-ce là une attitude bien raisonnable, vraiment justifiée ? Est-ce irrémédiablement sur le mode de la crainte qu'il nous faut envisager ce regard ?
[...] Toutefois, la crainte systématique du regard d'autrui paraît bien absurde, à certains égards du moins. De fait, ce regard, auquel je ne peux de toute façon pas échapper, n'est pas toujours et fort heureusement ! comme une épée de Damoclès suspendue, menaçante, au-dessus de nos têtes ! Ce regard m'est au contraire fondamentalement nécessaire : c'est en effet à la fois un véritable médiateur et un puissant garde-fou : nous en avons tant besoin ! S'il peut, certes, me méconnaître, m'enfermer dans une image erronée (voire déshumanisée) de moi-même, il peut aussi me donner à voir ce que je suis, ou du moins, apparaître comme un auxiliaire précieux dans cette quête d'ailleurs, dans le premier cas de figure, la communication, le dialogue sont peut-être les seuls à rectifier cette image . [...]
[...] Aussitôt, notre curieux prend brutalement conscience de ce qu'il fait : saisi par ce regard qui arrive, la honte l'envahit ; et c'est naturellement autrui qui est à l'origine de ce sentiment bien pénible. Humilié, en une telle situation, je redoute le déshonneur ; et surtout, je suis ce qu'autrui juge que je suis . (En l'occurrence, pour reprendre l'exemple précédemment mentionné, proposé par Sartre : un voyeur ? Un jaloux Autrui, par son regard, me vole ma liberté en me jugeant ainsi, en me collant en quelque sorte une vulgaire étiquette qui me fige. Quel fardeau, ce regard ! [...]
[...] Certains, se croyant finalement “meilleurs” qu'ils ne le sont véritablement, souffrent particulièrement du regard, plus réaliste, a priori, d'autrui . La chute peut évidemment être rude . Mais on peut aussi s'attarder sur le cas inverse, à savoir celui qu'un individu qui se sous-estimerait, qui manquerait de confiance en lui . dans ce cas, le regard d'autrui peut sans doute s'avérer salvateur, l'aide à (re)trouver un peu d'assurance, rétablissant un jugement par trop sévère. Nous aurions ainsi tout à gagner du regard d'autrui ! [...]
[...] De plus, ne sait-on jamais ce qui se trame derrière ce regard, n'a-t- on jamais connaissance des pensées qui fleurissent dans cette conscience qui me fait face ? Cette incertitude fondamentale, cette impossibilité de savoir, de connaître les pensées profondes d'autrui, est aussi source d'appréhension . Et si, en effet, ce regard mentait, et s'il était trompeur ? Peut-être n'avons-nous devant nous qu'un simple personnage . Ce visage, ce regard pourraient bien, dans cette perspective, être un masque, une sorte de paravent, de voile ; du coup, nos craintes ne peuvent qu'en être renforcées . [...]
[...] Faut-il craindre le regard d'autrui ? “L'enfer, c'est les autres” : c'est sur cette phrase pour le moins frappante et catégorique que s'achève Huis clos, la célèbre pièce de Sartre. Ainsi pourrions-nous donc supposer, a priori, que nos rapports avec les autres seraient toujours cruels, empoisonnés, infernaux, justement . Les trois personnages de Huis Clos sont d'ailleurs condamnés à une éternelle promiscuité : de fait, il leur est littéralement impossible d'échapper aux deux autres ou, plus précisément, à leur regard, si pesant ! [...]
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