La phrase du journaliste Emile de Girardin fut reprise un siècle après par Pierre Mendès France lorsqu'il écrivit "gouverner, c'est prévoir". En effet, il incombe bien à celui qui tient le gouvernail de donner à son navire une direction précise, d'imaginer l'avenir proche ou lointain, de représenter dans son esprit le trajet qu'il suivra. Gouverner, ce n'est pas simplement gérer ou administrer ? quoique les ministres soient membres du gouvernement et habiles gestionnaires ? mais gouverner, ce sera plus le fruit de l'imagination et de la représentation de l'avenir. Aussi, l'idée au sens philosophique comme au sens vulgaire ne serait-elle pas alors la matière fondamentale du gouverneur ou du gouvernement ?
[...] On passe alors d'idées pour gouverner à une idéologie dont le gouvernement sert la réalisation (II). Aussi, serait-on tenté pour échapper à un totalitarisme idéologique de gouverner sans idée, quand, au contraire, il convient au gouvernement de maintenir des idées derrière son action, sans tomber d'un côté dans l'idéologie ni de l'autre dans une simple gestion de l'Etat (III). Gouverner, c'est donc prévoir, c'est donc étymologiquement voir devant, voir dans l'avenir. Il ne s'agit donc pas de gérer une situation à laquelle l'on doit faire face dans l'immédiat, mais bien au contraire de se faire une idée et de se représenter les situations auxquelles il faudra faire face. [...]
[...] Mais n'est-ce d'ailleurs pas une lecture différente du mythe de l'allégorie de la caverne de Platon où le philosophe désenchaîné ne parviendrait pas à sortir de la caverne. On retrouve là tout le spleen baudelairien du XIXe siècle, une forme de désenchantement du monde Dès lors que ces idées se sont montrées vaines et illusoires car inaccessibles, nous pouvons poser la question de leur utilité pour gouverner. Ne pourrait-on pas simplement voir l'art de gouverner comme l'administration rigoureuse des circonstances du moment ? [...]
[...] Aussi, pour gouverner, nous contemplons cet idéal de Justice. D'où la cité idéale dressée par Platon dans le livre V de la République, la Kallipolis, où la souveraineté appartient au Roi Philosophe, car les philosophes ne sont-ils pas maîtres des Idées ? Aussi faudrait-il que les philosophes deviennent rois, ou les rois et souverains de ce monde deviennent réellement et sincèrement philosophes Ce lien étroit entre le politique et le philosophe a d'ailleurs perduré car, pour gouverner, le politique devient comme dépendant vis-à-vis d'idées morales ou philosophiques. [...]
[...] Faut-il des idées pour gouverner ? La phrase du journaliste Emile de Girardin fut reprise un siècle après par Pierre Mendès France lorsqu'il écrivit gouverner, c'est prévoir En effet, il incombe bien à celui qui tient le gouvernail de donner à son navire une direction précise, d'imaginer l'avenir proche ou lointain, de représenter dans son esprit le trajet qu'il suivra. Gouverner, ce n'est pas simplement gérer ou administrer quoique les ministres soient membres du gouvernement et habiles gestionnaires mais gouverner, ce sera plus le fruit de l'imagination et de la représentation de l'avenir. [...]
[...] Gouverner sans idée, c'est perdre le sens profond qu'il y a à gouverner. Gouverner sans idée, c'est bel et bien perdre cette vision d'une société civile protectrice à l'endroit de chaque homme. C'est finalement perdre l'Idée du Bien. La principale idée qui doit désormais donner la direction dans laquelle gouverner, c'est peut-être celle de l'autonomie progressive de cette société civile. C'est en tout cas la thèse du philosophe contemporain Marcel Gauchet qui explique les crises multiples, économiques ou politiques, au XIXe ou au XXe siècle, comme les manifestations d'une crise systémique séculaire : le pouvoir ne trouve plus sa légitimité dans un être supérieur, un ensemble qui engloberait notre monde, mais bien au contraire il trouve sa légitimité dans la société-même. [...]
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