La célébration en mai 2004 par le maire de Bègles, Noël Mamère, du premier « mariage homosexuel », bien que contestée, a provoqué réflexions et prises de position diverses, tous clivages politiques confondus. La revendication du « droit au bonheur » familial souligne la pérennité de la cellule familiale, même si Élisabeth Roudinesco, dans son ouvrage paru en novembre 2002, La famille en désordre, souligne que la famille, vieux pilier de la tradition comme de la modernité, semble se décomposer sous nos yeux : famille « incertaine », « monoparentale », « recomposée », toutes ses expressions exprimant en creux le modèle perdu.
Comme le souligne Claude Lévi-Strauss en 1956 dans La famille : « La vie familiale se présente pratiquement partout dans les sociétés humaines, même dans celles dont les coutumes sexuelles et éducatives sont très éloignées des nôtres. Après avoir affirmé, pendant environ cinquante ans, que la famille, telle que la connaissent les sociétés modernes, ne pouvait être qu'un développement récent, résultat d'une longue et lente évolution, les anthropologues penchent maintenant vers la conviction opposée, à savoir que la famille, reposant sur l'union plus ou moins durable et socialement approuvée d'un homme, d'une femme et de leurs enfants, est un phénomène universel, présent dans tous les types de sociétés ». Classiquement, trois types de famille peuvent être retenus (...)
[...] Le statut de la femme continue à se modifier. Peu à peu les mères, les femmes se rendent compte que les allocations ne vale nt pas un salaire. Les féministes, au contraire des suffragettes du début du siècle qui glorifiaient la maternité comme fonction sociale, n'y voient que la source originelle de l'exploitation des femmes par les hommes. La maternité n'est acceptée comme épanouissement personnel qu'à condition d'être exonérée des tâches ménagères et de pouvoir gagner sa vie. Enfin, la mère ne veut plus rester au foyer mais demande, elle aussi, à bénéficier des nouvelles socialisations et à sortir de chez elle. [...]
[...] Sous l'influence de spécialistes de la famille, une idéologie nouvelle apparaît, celle de la sacralisation du lien et du couple mère-enfant. La famille va cependant connaître une nouvelle inflexion dans les années soixante : le droit de la famille est peu à peu modifié et le culte de la mère au foyer, en France et dans l'ensemble des pays européens, sombre dans l'obsolescence Entre 1965 et 1975, le droit de la famille va connaître un bouleversement profond C'est en effet par la loi portant réforme des régimes matrimoniaux et instaurant l'indépendance de la femme mariée que débute une mutation radicale du droit de la famille. [...]
[...] La loi Veil du 17 janvier 1975 lui permet de pouvoir légalement demander une IVG. Enfin, la loi du 11 juillet 1975 met fin à la vieille procédure de divorce-sanction datant de 1884 en libéralisant les procédures de divorce. Cependant, la loi ne prend pas en compte les enfants qui doivent, dans un premier temps, également divorcer de l'un de leurs parents. Autre réforme, la majorité est abaissée en 1974 à 18 ans, faisant des enfants encore au foyer de nouveaux adultes, souvent peu indépendants. [...]
[...] Peu à peu sont créées des allocations spécifiques pour les ménages à un seul parent. La politique familiale se veut désormais neutre par rapport aux choix de vie des personnes. Politiquement, la gauche qui avait, après-guerre, porté la politique familiale de la France, l'abandonne désormais à la droite À LA FAMILLE MULTIFORME La famille doit aujourd'hui faire face à de profondes modifications de sa structure tant juridique que sociale. Il en va ainsi des lois bioéthiques de juillet 1994 qui ont inscrit les techniques de fécondation artificielle dans le droit. [...]
[...] Mais, pour autant, aucun rejet de la famille, stricto sensu, n'en résulte. L'ordre familial y a même gagné quelque richesse nouvelle : une sensibilité plus grande au psychologique et au respect. La famille est aujourd'hui à géométrie variable : conjugale classique, monoparentale, recomposée, homosexuelle mais la force sociale des relations de parenté demeure : les familles à plusieurs générations se multiplient, la famille n'est plus patrimoniale mais affective. Comme le souligne François de Singly dans Le Soi, le couple et la famille (1996), la famille contemporaine, c'est-àdire le couple et ses enfants, a fait peau neuve en prenant en charge la construction de l'identité individualisée, caractéristique de cette modernité Dès lors, la véritable remise en question des structures mêmes de la société, et pas forcément son effondrement, est à chercher bien au-delà des évolutions qui frappent la famille. [...]
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