Il convient donc tout d'abord de distinguer ?le théâtre des faits? comme expérience empirique et simple connaissance immédiate où le monde semble s'offrir au sujet. Cependant, pour appréhender et faire usage de notre entendement, il est nécessaire d'avoir recours à un certain recul qui se distingue dès lors comme connaissance médiate des faits, cette série d'événements que l'on dessine en filigrane sur la courbe du temps car on leur confère peut-être une importance plus grande. Finalement, avec l'implication du sujet apparaît un rapport profondément humain au temps et, plus particulièrement, à ces bribes d'événements que sont les faits, qui font que l'on ne peut pas au demeurant supposer une grande objectivité dans l'appréhension des faits, car s'ils sont limpides , la présence d'un sujet pensant change la donne. (...)
[...] Si ces faits sont limpides au départ, ils sont d'un point de vue psychanalytique perçus très différemment par le sujet. Ainsi Sigmund Freud métaphorise-t-il la psychée humaine par un appartement où un gardien veille à ce que certains faits, ici sous la forme de souvenirs, ne pénètrent pas dans la conscience. Relégués dans l'antichambre de l'inconscient, ces faits n'en sont pas moins présents et c'est ainsi que l'on nomme le procédé de refoulement, manière d'enterrer un souvenir mort-vivant, fantomatique selon Bergson. [...]
[...] Où commence alors le devoir de mémoire ? Les extrêmes ne sont-ils pas tous les deux à craindre puisqu'une connaissance des faits passés et présents sont nécessaires sans se noyer dans la conservation reliquaire ? D'ailleurs, qui détermine l'importance du fait en question ? On parle de fait d'actualité de fait de société construisant une mémoire collective dirigée et aux apparences nombrilistes puisque jamais nous n'aurons connaissance pleine de ce qui se passe au dehors ; n'est-ce pas d'ailleurs un problème majeur de cette mesure ? [...]
[...] Ces questions nous portent sensiblement vers les limites de la pratique historique. Comme le souligne Rousseau, les historiens ne pourront jamais adopter le point de vue de Sirius ou cette connaissance illimitée réservée seule à Dieu, et dans cet ordre d'idées, restent profondément incapables de déterminer, même en examinant les faits objectivement, la cause véritable d'un enchaînement de faits. Quel historien, avec sa connaissance bornée contemporaine, pourrait deviner que c'est une bourrasque d'une rare violence qui a causé la défaite sur le champ de bataille et non pas une mauvaise stratégie ? [...]
[...] Dans le cas présent, et avant d'avancer des critiques à cette proposition, il convient de se demander ce qu'est, au fond, fait”. Il peut donc être un haut fait historique ou alors un événement conjoncturel qui se distingue de la masse de ce mobilisme universel. Il peut aussi s'infiltrer dans l'opinion commune ( c'est un fait avéré ) et, dès lors, on peut craindre la verve manipulatrice qui encense seulement ce qui sort de l'ordinaire. Mais un fait, n'est-ce pas, avant tout, tout ce qui compose notre existence ? On peut en tout cas citer Nietzsche. [...]
[...] La pratique historique a dans ce cas ses limites et, dès lors, faut-il niveler les faits ? Ou peut-on, puisqu'ils parlent d'eux-mêmes, en offrir un legs indifférencié ? Thucydide, suiveur du “Père de l'Histoire” Hérodote, concevait le récit historique comme riche en enseignements et allait jusqu'à lui conférer une fonction paradigmatique. Les faits historiques sembleraient donc ici doués d'une aura plus importante, car non contents de s'offrir à nos yeux, ils offriraient aussi une règle de vie pour l'avenir car l'Histoire connaît une certaine linéarité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture