Les progrès des civilisations ont porté les langues vers l'expression de concepts abstraits, établissant le langage comme médiateur essentiel entre la pensée humaine et son expression. Dès lors, l'importance accordée à l'expression s'est fortement développée. On s'est appliqué à la préserver, inscrivant dans La Déclaration des Droits de l'Homme un 'droit à la liberté d'expression' pour tous. Pourquoi tant de considération ? S'exprimer, n'est-ce pas simplement communiquer ? Qu'est-ce que s'exprimer alors ? Mais avant même de pouvoir se demander si l'expression se réduit ou non à la simple communication, il semble nécessaire de comprendre en quoi s'exprimer est-ce communiquer
[...] Mais l'expression est-elle toujours liée à la communication ? En dehors du cadre social, que devient l'expression ? En soi, qu'est-ce que s'exprimer ? III. La découverte d'une expression involontaire et non commandée par la raison remet en question la valeur communicative de l'expression. L'inconscient est cette capacité qu'a l'être de se manifester sans jamais viser la communication. Il se traduit dans des conduites telles que le rêve ou la rêverie, le lapsus ou encore les associations spontanées d'idées ou d'images. [...]
[...] Mais on comprend bien qu'elle est d'abord une virtualité plutôt qu'une donnée nécessairement réalisée dans la pratique. La liberté est donc moins un état qu'un devoir-être. Elle prend appui dans l'expression d'un désir de vivre fondamental, un désir d'être et de persévérer dans son être. S'exprimer, c'est donc bien manifester cette liberté. Si s'exprimer, c'est bien communiquer, c'est alors surtout communiquer son existence. Toujours sous-jacent à l'expression, il y a la volonté de l'homme d'affirmer son existence devant celle d'autrui, et donc de manifester sa liberté. [...]
[...] Ainsi, s'exprimer, c'est aussi montrer que l'on existe, et enfin, c'est tout simplement communiquer, au sens courant du terme. S'il ne faut toutefois pas déprécier trop rapidement la communication, réduire l'expression à la communication revient à ignorer la capacité créatrice et la valeur ontologique de l'acte d'expression. Mais il y a aussi une signification éthique de l'expression. Faire le choix de l'expression, c'est répondre à un impératif moral. Il y aurait donc même un devoir d'expression. S'exprimer, c'est alors prétendre à l'idéal kantien de l'amitié, c'est reconnaître et faire vivre l'humanité qui est en autrui comme en moi-même. [...]
[...] S'exprimer, c'est donc communiquer son existence au monde. Il y a donc en tout homme un désir de communiquer son existence au monde, c'est-à-dire de se manifester comme être humain à autrui. Ce désir est même un besoin, besoin de trouver dans l'autre la confirmation de sa propre humanité. Ma conscience réflexive ne suffit pas pour que je prenne conscience de ma valeur propre. Elle n'est qu'une certitude, c'est-à-dire une connaissance subjective de mon être, et n'est pas la vérité, qui elle est objective. [...]
[...] La langue en est un exemple éloquent. Celle-ci est effectivement conventionnelle, puisqu'elle préexiste aux individus et qu'elle s'impose à eux de l'extérieur. La langue se transforme sans que les sujets puissent la transformer dit Ferdinand de Saussure, ce qui illustre bien l'incapacité de l'individu à agir sur la langue, et même la nécessité que celle-ci a de demeurer institutionnelle : je ne peux pas transformer la langue signifie bien à la fois que je n'en ai pas le pouvoir et que je n'en ai même pas le droit. [...]
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