Au cours d'une conversation sur un sujet quelconque, il peut arriver que nous évoquions par exemple le thème de la mort. Face à nous, autrui semble troublé, et se met soudainement à pleurer : on apprend alors qu'il a perdu sa mère la semaine dernière ; nous l'ignorions. Ainsi nous l'avons blessé sans en avoir l'intention. Peut-on alors être tenu comme responsable de ses pleurs ? Avons-nous maîtrisé tous nos dires ? Pouvions-nous prévoir l'effet de nos paroles sur autrui ? Il semble bien difficile en effet d'être totalement maître de nos actes et d'en prévoir complètement les conséquences. N'exprime –t-on alors que ce dont on a conscience ? Il convient d'abord de définir la notion « d'expression », et ensuite de mettre en évidence la complexité de la relation à autrui par l'expression. Quelque chose nous échappe –t- il constamment ? Pourquoi l'interprétation d'autrui est-elle imprévisible ?
[...] Une de ses patientes lui dit un jour : ce sont des personnes fortes agréables, ils sont avares ! au lieu de dire ils ont vraiment de l'esprit (ce lapsus est à remettre dans son contexte linguistique allemand). Ainsi, elle dénonçait par là même leur manque de générosité à l'égard d'autrui, mais n'osait l'exprimer. Ce sont plus généralement nos impulsions violentes et sexuelles qui sont exprimées par le lapsus selon Freud. Les tics, les rêves, les gestes impulsifs sont, au même titre que le lapsus, des formes d'expression que nous ne maîtrisons aucunement, dont nous n'avons pas l'entière conscience. [...]
[...] Il est donc clair que l'homme n'exprime pas tout ce dont il a conscience. En effet, la majeure partie de notre expression nous est inconnue, face cachée par l'interprétation d'autrui qui varie et change selon les hommes. De plus, il apparaît que nous n'exprimons pas toujours ce dont nous avons conscience comme nous l'avons montré avec l'exemple du lapsus ou bien des rêves. Tous ces facteurs rendent la conscience absolue de l'expression impossible. Ceci est complexifié par la relation difficile à autrui, qui rend toute interprétation d'un même événement possible. [...]
[...] Il faut alors discerner l'expression du simple signal. Benveniste, linguiste français, définit très clairement la frontière existante entre le langage et le signal. Selon lui, le signal serait un code simple et défini, qui ne donne lieu qu'à une unique interprétation ; tel en est le cas pour les panneaux de circulation, le Code de la route, les ordres militaires Ainsi, le langage et l'expression humaine se distinguent clairement du signal dans la mesure où elle donne lieu, la plupart du temps, à des interprétations diverses, variées, imprévisibles. [...]
[...] Quelque chose nous échappe-t-il constamment ? Pourquoi l'interprétation d'autrui est-elle imprévisible ? Nous allons donc dans un premier temps analyser le degré de conscience dans l'expression, pour aborder ensuite la multiplicité des occasions d'expression qui nous échappe et leurs conséquences sur le lien qui me lie à autrui. Est-il alors possible d'avoir conscience de tout ce que l'on exprime ? Dans quelles mesures maîtrisons-nous les conséquences de nos différentes formes d'expression ? Le verbe exprimer trouve son étymologie dans le latin premere qui signifie littéralement presser, comprimer. [...]
[...] L'expression est donc relative, changeante, mouvante et relative. Est-il alors possible d'avoir conscience de se que l'on va exprimer, quand bien même l'expression est changeante ? Il existe, nous l'avons vu, un échange entre l'intérieur et l'extérieur. Ainsi, chacun contribue à modifier l'autre dans ce mélange dynamique, pour former un produit synthétique des deux : l'exprimé. Celui-ci est divisé entre ce qui provient de l'intérieur est ce qui est inhérent à notre extérieur. Au sens d'Hegel, ce mouvement serait caractérisé de dialectique Pour lui, la forme d'expression la plus finie est l'expression philosophique. [...]
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