Exprimer, conscience, inconscient, expression, artistique
Lorsque je parle, il semble normal que je prétende maîtriser ce que je dis, et les effets que ce que je dis peut provoquer chez mon interlocuteur. Cependant, il arrive fréquemment que je sois surpris par les réactions de ce dernier, qui semble saisir autre chose que ce que j'avais l'intention de signifier. Mon expression peut-elle donc me trahir ? Qu'est-ce qui, en elle, échappe à mon contrôle ? Une telle échappée semble révéler que j'exprime plus, ou autre chose que ce dont j'ai conscience. Il est alors important de repérer ce qui, de la sorte, m'interdit d'avoir le contrôle complet de mon expression, ce qui revient à s'interroger sur les différences qui peuvent exister entre ce que je voulais (ou ne voulais pas) exprimer et ce que perçoit l'autre, qu'il soit auditeur, interlocuteur, ou, peut-être, simple spectateur.
[...] Une telle échappée semble révéler que j'exprime plus, ou autre chose que ce dont j'ai conscience. Il est alors important de repérer ce qui, de la sorte, m'interdit d'avoir le contrôle complet de mon expression, ce qui revient à s'interroger sur les différences qui peuvent exister entre ce que je voulais (ou ne voulais pas) exprimer et ce que perçoit l'autre, qu'il soit auditeur, interlocuteur, ou, peut-être, simple spectateur. Interventions de l'inconscient La présence humaine est dotée d'expression avant même l'intervention du langage : mimiques, gestes, attitudes, révèlent des affects, des intentions. [...]
[...] Il n'est pas sûr qu'un tel message puisse exister en toutes circonstances : même une formule comme « Passe moi le sel » peut avoir, pour l'inconscient d'un auditeur, un sens non prévisible C'est que notre usage du langage ne peut intervenir qu'entre deux zones où règne un « flou » qui reflète une double ignorance : entre l'inconscient des individus et l'aspect collectif de la langue. On aurait tort d'en déduire que notre impuissance à contrôler l'expression est uniquement négative : elle donne aussi à ce que nous exprimons sans le savoir une chance de nous survivre. [...]
[...] », « Si je comprends bien ce que vous dîtes », etc. De surcroît, la maîtrise du vocabulaire que nous utilisons n'est jamais absolue, dans la mesure où chaque mot de la langue offre des possibilités de sens beaucoup plus riches que celle dont nous avons besoin. Le caractère collectif de la langue n'est pas seulement synonyme, comme le déplorait par exemple Nietzsche, d'un anonymat des concepts, dès lors incapables de mettre en circulation une pensée authentiquement singulière ; il signifie aussi qu'un locuteur singulier ne peut utiliser le sens total d'un terme, dans la mesure où ce sens renvoie à une multitude de contextes différents. [...]
[...] On constate que cette expression ne saurait dépendre uniquement de la conscience de celui qui la met en circulation. On peut même admettre qu'il doit en être ainsi, si l'on prétend comprendre ce qui fait la richesse d'une œuvre, c'est-à-dire sa capacité à échapper à son propre inventeur, aussi bien qu'à sin époque, pour donner naissance à des interprétations, ou si l'on préfère des « lectures », indéfiniment renouvelées, et en réalité imprévisibles au moment de son élaboration. Balzac, lorsqu'il conçoit l'ensemble de sa Comédie humaine, a bien l'intention, consciente et volontaire, d'y dresser le tableau exhaustif de la société de son époque. [...]
[...] Ainsi, selon Freud, quelque chose peut s'exprimer, qui concerne mon intériorité la plus profonde (et la plus ignorée de moi-même), à travers mes gestes, mes postures, mes tics, mes habitudes : pendant que je parle, pendant donc que je crois être maître de ce que j'exprime, mon corps tient un autre discours, mais muet – et ce discours s'offre à l'interprétation de celui qui me fait face. C'est bien entendu lorsque l'expression s'effectue alors même que la conscience, semble-t-il, est « entre parenthèses », qu'il est clair que j'exprime infiniment plus que ce dont je peux avoir conscience. Si le lapsus est aisément qualifié de « révélateur », c'est bien parce qu'il fait apparaître quelque chose que ma conscience aurait préféré ne pas révéler. [...]
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