La perception dichotomique qui sépare le monde, le vivant, la société, entre le masculin et le féminin, est sans doute l'un des fondements premiers de toute forme d'organisation sociale. En effet, toute connaissance dérive de l'expérience sensible, et, comme le souligne l'anthropologue Françoise Héritier, la matière est essentielle à tout système de croyance ; la matière première du symbolisme est le corps.
[...] Distinguer les notions de sexe et de genre, c'est déjà questionner le lien entre le sexe et la personnalité, ou les capacités intellectuelles d'un individu ; ne pas tenir les deux termes pour synonymes, c'est déjà entrevoir la possibilité que le genre ne relève pas, ou du moins pas exclusivement, de la nature. Cette distinction a donc une portée scientifique, mais également, comme nous l'avons vu, profondément politique. On peut se demander quelle place l'avenir réserve-t-il d'ailleurs à la notion de genre, dans une société où le féminisme se fait de plus en plus entendre, et où les revendications liées au genre sont multiples. [...]
[...] Ou s'agit-il d'une métonymie (lien entre les deux notions) ? Une synecdoque (une notion comprise dans l'autre) ? Quel rapport la notion de sexe entretient-elle avec celle de genre ? L'appartenance à un sexe implique-t-elle l'appartenance au genre auquel ce sexe « correspond » ? Les conséquences des réponses que l'on choisit de donner à ces questions ont une portée très vaste. Si l'on considère que le genre est l'identité qui correspond nécessairement au sexe d'un individu, alors les questions de genre sont accessibles à la science, on peut connaître des éléments identitaires d'un individu en fonction de son sexe. [...]
[...] En effet, si ce qu'on appelle la « nature » masculine, ou féminine, ne sont pas des natures, mais bien des constructions, il semble possible de se construire en tant qu'individu en dehors de ce binarisme. C'est d'ailleurs une revendication de plus en plus fréquente, et médiatisée : des individus se disent aujourd'hui « non binaires », en ce qu'ils prétendent se définir en dehors de toute acception relevant du genre. Sans s'attarder sur une analyse, du reste peu susceptible d'être pertinente, de la possibilité d'une définition de soi « non-binaire » dans la société qui est la nôtre, on peut y remarquer une volonté manifeste de liberté dans la définition de soi, de subjectivité dans l'identité. [...]
[...] Le terme genre pourrait être redéfini, banni du dictionnaire, ou encore de nouveaux genres pourraient émerger, comme on commence à l'observer. [...]
[...] Ève donnée à Adam pour être sa compagne a perdu le genre humain ; quand ils veulent se venger des hommes, les dieux païens inventent la femme et c'est la première-née de ces créatures femelles, Pandore, qui déchaîne tous les maux dont souffre l'humanité » (Beauvoir, Simone de. Le deuxième sexe (Tome - Les faits et les mythes). La distinction entre la notion de sexe et de genre n'est alors pas encore d'actualité, puisque le sexe n'est pas seulement un attribut morphologique : c'est une identité. Le genre et le sexe ne sont pas encore distincts. [...]
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