Par définition, ce qui est imaginaire est ce qui n'existe que dans l'imagination, ce qui n'a pas de réalité. Quant à l'expérience, c'est au sens premier du terme le fait d'éprouver personnellement la réalité d'une chose. Ainsi, il semblerait qu'il existe une opposition entre « expérience » et « imaginaire » en ce qui concerne leur rapport à la réalité. Mais « imaginaire » et « réalité » doivent-ils être systématiquement mis en opposition ? Tout dépend de la définition que nous prendrons de réalité, si nous la limitons à l'ensemble des choses qui existent effectivement, « exister » pris au sens physique, matériel du terme, ou si nous élargissons cette définition, notamment en direction d'une réalité comme étant « ce qui est considéré comme vrai ». Il convient d'insister sur les autres significations exprimées par le terme d'expérience. En effet, l'expérience est aussi la connaissance acquise par une longue pratique. Par exemple, une entreprise peut chercher à recruter une « personne d'expérience ». Là encore semble émerger une contradiction, entre la pratique, qui consiste en une série d'actions réalisées concrètement, dans le monde physique et ce qui est imaginaire, donc ce qui est par définition détaché de ce monde physique. Pour finir, une expérience peut avoir pour signification le fait de provoquer volontairement un phénomène (généralement dont on maîtrise les différents paramètres) pour l'étudier, dans le but de créer, confirmer ou infirmer une hypothèse. Ainsi il est possible de vérifier que l'eau est plus lourde que l'huile en versant ces deux liquides dans un verre. L'expérience repose alors sur une observation sensible du réel et des phénomènes physiques. Se demander si cette expérience est imaginaire revient à analyser le rôle joué par l'imagination dans l'élaboration de cette expérience et dans son observation (...)
[...] Ainsi, s'il est vrai qu'en s'attachant à une définition stricte de ce type d'expérience une opposition nette se dessine avec l'adjectif imaginaire dans leur rapport au monde physique, nous remarquons qu'une réflexion sur ce que peut être la pratique nous permet de nuancer ces propos. Mais l'expérience, ce n'est pas seulement cette connaissance que nous venons d'évoquer. Avant cette connaissance, l'expérience est plus simplement le fait d'éprouver personnellement la réalité d'une chose (d'où la connaissance qui en découle ensuite, par l'appropriation de ce vécu). Quel est le rapport de ce nouveau sens du terme expérience avec l'imagination ? En quoi serait-elle (ou ne serait-elle pas) imaginaire ? [...]
[...] Freud remarque ainsi que le névropathe doit conjuguer le principe de désir (le fait qu'il doive satisfaire ses désirs) avec le principe de réalité qui veut qu'il reste dans la norme du réel. Ceci entraîne une frustration qui conduit le névrosé à chercher à se donner satisfaction dans les marges du monde réel, dans l'imaginaire. Il a alors recours a une expérience imaginaire, c'est-à-dire qu'il vit la réalité qu'il s'est imaginée et dans laquelle ses désirs sont assouvis. Il existe donc clairement une, ou plutôt des expériences imaginaires liées à l'individu particulier, à son ressenti physique et mental. Regardons maintenant l'expérience telle qu'elle est présente dans la recherche, notamment scientifique. [...]
[...] Ainsi, peut-on parler d'expérience imaginaire ? Quelle(s) type(s) d'expérience est imaginaire ? Quel rôle joue l'imagination dans l'expérience ? Etant donné la diversité sémantique du terme expérience il convient de répondre à ces questions selon le sens pris par ce dernier. Si l'expérience en tant que connaissance acquise par la pratique n'est généralement pas imaginaire, l'imagination joue un rôle dans le fait d'éprouver personnellement la réalité d'une chose, et elle est même déterminante lorsqu'il s'agit de provoquer un phénomène pour l'étudier. [...]
[...] Prenons par exemple la douleur. Avoir mal, c'est éprouver la réalité de la douleur. Or ressentir cette douleur entraîne l'utilisation des sens, donc une perception, qui nous l'avons vu ci-dessus implique une part d'imaginaire. De plus, il est possible d'éprouver personnellement la réalité d'une chose si l'on se détache du sens de réalité en tant qu'universelle. En effet, le fait que l'expérience soit le fait d'éprouver personnellement la réalité d'une chose n'implique-t-il pas que la réalité peut être propre à chacun ? [...]
[...] En effet, ne pouvons-nous pas dire : éprouver la réalité de l'amour ou éprouver la réalité de la tristesse ? La réalité est rattachée ici à des concepts qui n'ont rien de physiques et pourtant ces propositions sont parfaitement valables. Eprouver la réalité n'est donc pas forcément la sentir physiquement mais peut aussi être la ressentir en tant que sentiment. Cette expérience est-elle imaginaire ? Les stoïciens assurent que c'est l'imagination qui donne naissance à ces sentiments en nous, qui ne sont justement pas des réalités objectives mais des opinions imaginées. [...]
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