L'existence de la société exclut-elle l'autonomie de l'individu ? La société, pour exister, aurait-elle pour besoin premier d'instaurer une exclusion à l'encontre de l'individu, considéré a minima comme l'un de ses constituants et défini par sa quête d'autonomie ? L'existence de la société serait-elle posée et pourrait-elle continuer à être, uniquement à partir de cette exclusion renouvelée ? On peut trouver paradoxal de conditionner l'existence de la société, si l'on veut bien lui accorder un quelconque caractère positif, à la mesure d'une exclusion princeps. La société apparaît a priori comme le lieu des lois générales valables pour tous, ou encore lieu de protection et de garantie de sécurité venant à l'existence de par la cohésion des individus libres ; cette recherche de cohésion répétée au cours de son histoire exclut-elle l'intégration de l'individu défini comme cherchant à se donner à lui-même sa propre loi, ou à être à lui-même sa propre loi ?
Cette question de la loi individuelle, au sens étymologique d'auto-nomos en grec « qui est régi par ses propres lois », viendrait s'opposer à l'existence de la société : en somme, existence et loi individuelle ne pourraient co-exister de fait ou en droit et ce du point de vue de la société elle-même. Être et être régi ne pouvant aller de pair, si être régi appartenait en propre à la dimension individuelle. En quelque sorte, une question d'échelle prévaudrait à la résolution de notre question : si la société est autonome, au sens provisoire de « régie par ses propres lois », elle pourrait exister, mais serait dissoute, ou mise à mal, ou inexistante, si l'individu revendiquait pour lui cette autonomie.
[...] Car, comme l'affirme Rousseau pour être quelque chose, pour être soi-même et toujours un, il faut agir comme on parle ; il faut être toujours décidé sur le parti que l'on doit prendre, le prendre hautement, et le suivre toujours (op. cit., p. 40). Ainsi, l'éducation doit préparer à la société par la nonconfusion des ordres : nature, société, monde. Ainsi, l'individu n'est jamais pure autonomie, mais toujours déjà inscrit dans un socius indispensable à sa survie. Cette question des rapports de l'existence de la société avec l'autonomie de l'individu rappelle la querelle qui opposa John Rawls et les communautariens. Il a été reproché à Rawls de produire un individu abstrait coupé de ses attaches culturelles et sociales. [...]
[...] Hors de la société, il ne saurait y avoir d'autonomie positive pour l'homme, au sens d'édition d'une loi qui soit propre : tout au contraire, en cet état, l'homme n'est que soumis par nature à ses instincts ils désirent de faire tout ce qui leur plaît ibidem). Ici, l'individu n'est pas encore citoyen. L'individu, comme homme lambda et naturel, est régi par la loi naturelle : son autonomie est définie comme libérale à l'égard de ses désirs. Il veut faire tout ce qui lui plaît, ce qui le conduit à la guerre ; pour rejoindre la société, et permettre son existence dans le temps, il faudra que les hommes cèdent de leurs prétentions et de leur droit sur toutes choses (op. [...]
[...] L'existence de la société exclut-elle l'autonomie de l'individu ? La société, pour exister, aurait-elle pour besoin premier d'instaurer une exclusion à l'encontre de l'individu, considéré a minima comme l'un de ses constituants et défini par sa quête d'autonomie ? L'existence de la société serait-elle posée et pourraitelle continuer à être, uniquement à partir de cette exclusion renouvelée ? On peut trouver paradoxal de conditionner l'existence de la société, si l'on veut bien lui accorder un quelconque caractère positif, à la mesure d'une exclusion princeps. [...]
[...] Ce point de vue permet de penser un lieu d'exercice de l'autonomie qui ne soit pas forcément conditionné par la société et ses exigences. Problématique que soulève en un sens un peu différent Hannah Arendt. Hannah Arendt dans Le lieu des activités humaines (Chapitre II de La Condition de l'homme moderne) affirme que des choses tout simplement pour exister, ont besoin d'être cachées tandis que d'autres ont besoin d'être étalées en public plus loin elle dit que si nous considérons ces choses, sans nous occuper du lieu où nous les trouvons dans telle ou telle civilisation, nous verrons que chaque activité humaine signale l'emplacement qui lui est propre dans le monde (op. [...]
[...] Ce lieu ne saurait toujours être la société pensée comme mise en partage du pouvoir et volonté générale ; redéfinie comme possibilité d'association pour décupler sa puissance, la société pourrait être le lieu de cette autonomie, sans toutefois impliquer que soit exclue de ses modalités la plus grande liberté fut-elle antisociale en un sens déterminé de concentration du pouvoir et remise des volontés individuelles à une entité toute puissante. En conclusion, disons qu'il ne saurait y avoir ni autonomie de l'individu, ni existence de la société l'un sans l'autre. Comme l'écrivait Proudhon, tout collectif est un individu et tout individu est un collectif comme composé de puissances (La Guerre et la paix, Éditions Rivière, p. 128). [...]
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