Une telle question nous invite à réinterroger une hypothèse qui fut révolutionnaire au début du XXème siècle mais qui s'est transformée en argument d'autorité.
A strictement parler, il est impossible d'avoir une preuve de l'existence d'une pensée inconsciente, on ne peut pas accorder une totale confiance à la théorie freudienne. Si une pensée par définition est tout ce qui se produit dans notre esprit de façon consciente, si elle implique une représentation intérieure, comment puis-je à la fois avoir une représentation et ne pas savoir ce que je me représente ? On peut certes toujours prétendre apercevoir des pensées inconscientes chez les autres, lors d'un lapsus ou d'un acte manqué, mais comment savoir si réellement la personne n'était pas fugitivement consciente de ses pensées, si elle n'avait pas ne serait-ce qu'une vague idée de ce qu'elle s'apprêtait à dire ou à faire ?
Nous pouvons prendre l'exemple des rêves qui selon Freud ont une expression déguisée des pulsions refoulées. Ces pulsions se rapporteraient à des pensées telles que « je désire la mort d'un proche », ou « je désire jouir d'une relation incestueuse ». Elles ont pour particularité d'être refoulées par la conscience, mais elles s'exprimeraient par des moyens détournés. Le problème c'est que seul un psychanalyste peut les interpréter. On ne peut pas faire de test de validité de l'interprétation d'un rêve par un scientifique non psychanalyste.
D'un autre côté, toute réflexion profane sur l'existence d'une pensée inconsciente se heurte au fait qu'elle ne s'est justement pas confrontée aux névrosés, à leur guérison, au processus thérapeutique qui rend possible l'émergence d'une pensée inconsciente. Car ce n'est pas parce que nous avons entendu parler de la psychanalyse, que nous comprenons bien en quoi elle consiste. Nous prétendons peut-être ne pas être assurés de l'existence d'une pensée inconsciente pour rester stratégiquement à distance respectable des maladies nerveuses dont nous nous considérons exempts ou que nous ne prenons pas vraiment au sérieux. Si nous remontons au XlXème siècle, nous observons que les femmes atteintes d'hystérie étaient enfermées dans des asiles et souvent punies par des traitements douloureux et irrespectueux sous le prétexte qu'elles feignaient la maladie. Rien dans leur corps ne justifiait leurs symptômes, lesquels apparaissaient et disparaissaient de façon étrange. Pourtant, grâce à l'hypnose, Charcot et Breuer par exemple, ont mis en évidence des pensées inconscientes. Une petite fille fut même guérie de ses crises d'épilepsie en pouvant libérer sa terreur envers un chien sauvage. Ces guérisons prouvent qu'il y a eu refoulement de pensées inconscientes, que celles-ci ont été « coincées » dans le psychisme et qu'elles s'expriment alors de façon détournée. Grâce à la méthode des associations libres Freud a pu guérir de nombreux névrosés (...)
[...] Il est hors de question de poursuivre tous les enfants et de rechercher leurs pensées inconscientes ! Il suffit de se dire que la psychanalyse représente une réponse possible à la souffrance. Auquel cas nous pouvons répondre que rien ne nous assure de l'existence de pensées inconscientes sinon le témoignage des personnes qui nous certifient que leur existence aurait été insupportable si elles n'avaient pas eu recours à la psychanalyse. Mais une nouvelle question se pose : comment distinguer la psychanalyse d'une sorte de superstition moderne qui se contenterait de prétendre : si ça marche. [...]
[...] Grâce à la méthode des associations libres Freud a pu guérir de nombreux névrosés. Alors, en quoi sommes-nous assurés de l'existence d'une pensée inconsciente ? D'un côté, nous pouvons considérer que l'idée même de pensée inconsciente est une contradiction insoutenable, auquel cas l'inconscient reste un terme générique vague et non un concept scientifique. D'un autre côté, nous pouvons considérer que l'oxymore pensée inconsciente est l'expression même de la nature bipolaire du psychisme humain et que nous avons beaucoup à apprendre de ceux qui l'ont étudié de près. [...]
[...] Or le fond du problème réside peut-être en ceci que nous ne sommes pas tous concernés au même degré par l'inconscient : si je suis (ou si je me crois ! ) en bonne santé psychique, quel intérêt aurais-je de me convaincre qu'au fond de moi sont refoulées les pensées les plus ignobles ? J'ai tout intérêt à réfuter la théorie freudienne ! Par contre, si je ne parviens pas à m'expliquer des souffrances incurables, des échecs humiliants, et qu'aucun traitement médical ou conseil de proche ne peut me secourir, je peux admettre cette hypothèse, du moment que je ne lui accorde pas une foi aveugle dénuée d'esprit critique. [...]
[...] En quoi sommes-nous assurés de l'existence d'une pensée inconsciente ? Une telle question nous invite à réinterroger une hypothèse qui fut révolutionnaire au début du XXème siècle mais qui s'est transformée en argument d'autorité. A strictement parler, il est impossible d'avoir une preuve de l'existence d'une pensée inconsciente, on ne peut pas accorder une totale confiance à la théorie freudienne. Si une pensée par définition est tout ce qui se produit dans notre esprit de façon consciente, si elle implique une représentation intérieure, comment puis-je à la fois avoir une représentation et ne pas savoir ce que je me représente ? [...]
[...] Nous pouvons seulement en déduire qu'elle ne pensait pas assez à ce qu'elle faisait, qu'elle a agi mécaniquement et le déplorer. Il faut refuser que de tels mouvements signifient des pensées affirme Alain. Cela dit, Freud nous met en garde contre une résistance intellectuelle suspecte : si nous refusons d'admettre qu'il existe des pensées inconscientes, c'est peut-être pour ne pas en ressentir les effets humiliants ou pour ne pas avoir à ressentir le malaise de nous confronter à de mauvaises pensées : ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doit aussi être connu de la conscience. [...]
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