Liberté et responsabilité forment un couple de concepts qui semblent indissociables. En lui demeure un équilibre apparent : la réciprocité qui lie la possibilité en droit, pour chacun, d'agir selon sa propre volonté et ses propres intérêts au devoir, devant tous, de répondre de ses actes et d'en assumer les conséquences. Cet équilibre garanti dans nos sociétés par une institution étatique, la Justice, et qui trouve son expression la plus réduite dans le libéralisme politique est moins le fruit d'un aboutissement que le « moment » particulier d'un mécanisme constamment en mouvement dont la finalité n'est pas une certitude. En effet si les Grecs anciens s'interrogeaient déjà sur l'idée de liberté, c'est dans le monde chrétien que son association à celle de responsabilité, c'est-à-dire son individuation incarnée, s'est opérée.
Pourtant l'exigence de la responsabilité morale est un fait qui, quelles que soient les valeurs qui la structurent, fonde universellement les rapports sociaux à tel point que la recherche de la liberté comme idée, comme idéal, s'est toujours vue plus ou moins occultée par les nécessités politiques que l'élargissement des sociétés humaines n'a fait qu'accroître. Ainsi, alors que les philosophes n'ont pu parvenir en trois mille ans à s'accorder sur une conception définitive de la liberté, le sentiment tacite d'être, tout comme autrui, maître de ses actes porte depuis les premiers âges de l'humanité la responsabilité en évidence. Peut-on donc en déduire que derrière le courage d'un homme, derrière la générosité d'un autre ou la fidélité d'un troisième se cache une liberté qui se réalise ? Cette liberté si mise à mal par le déterminisme n'est-elle pas manifeste lors de la confrontation de l'homme à des choix éthiques ?
[...] Ce dernier ayant dû maintenir une certaine cohésion sociale, il doit se munir de préceptes tout en responsabilisant l'individu, non plus devant la justice de Dieu mais devant celle de tous les autres individus. Cet abandon de Dieu est aussi l'abandon d'un certain nombre de questions d'ordre métaphysique, notamment concernant l'essence de la liberté. Celle-ci se réduit dès lors à un bien matériel, une propriété, ou encore à un espace de mouvement, négativement : une absence de contrainte. L'exigence morale elle-même apparaît ainsi comme une contrainte, bien que nécessaire politiquement. Il s'agit simplement de jouir d'une liberté spatialisée et contractualisée. [...]
[...] Excluant toute liberté, comment fonder alors conceptuellement la responsabilité pénale et morale de l'homme ? Hérité des controverses de l'Antiquité, l'argument moral anti fataliste fut bien sûr opposé aux fatalistes modernes À cette objection, Diderot rétorquait que non seulement le fatalisme est compatible avec la responsabilité humaine, mais qu'il est source de vertus fondamentales faisant sa grandeur morale. Cette doctrine juge que l'homme est déterminé par toutes sortes de causes. Or, parmi ces causes figurent notamment les châtiments et les récompenses, qui modifient l'homme en le déterminant à respecter les lois et l'ordre social. [...]
[...] L'exigence de la responsabilité morale prouve-t-elle l'existence de la liberté ? Liberté et responsabilité forment un couple de concepts qui semble indissociable. En lui demeure un équilibre apparent : la réciprocité qui lie la possibilité en droit, pour chacun, d'agir selon sa propre volonté et ses propres intérêts au devoir, devant tous, de répondre de ses actes et d'en assumer les conséquences. Cet équilibre garanti dans nos sociétés par une institution étatique, la Justice, et qui trouve son expression la plus réduite dans le libéralisme politique est moins le fruit d'un aboutissement que le moment particulier d'un mécanisme constamment en mouvement dont la finalité n'est pas une certitude. [...]
[...] L'homme est tenu pour moralement responsable de ses actes ; or, ceci serait impossible s'il n'était pas doué de liberté. La doctrine qui nie le libre arbitre est foncièrement immorale en tant qu'elle détruit le principe même de la responsabilité. Dans sa Somme théologique, Thomas affirme que l'homme possède le libre arbitre ; ou alors les conseils, les exhortations, les préceptes, les interdictions, les récompenses et les châtiments seraient vains. La liberté ainsi définie donne à l'humanité un sens qui la porte au dessus de la nature. [...]
[...] Alors que pour les stoïciens la nature et l'homme sont soumis au fatum, le christianisme a réaffirmé l'exigence de la responsabilité morale individuelle comme un privilège sacré donné à la créature élue de pouvoir s'élever à la perfection divine par l'exercice de son libre arbitre. Dans un second temps il s'agira de nuancer le lien entre le choix éthique et la liberté car d'un point de vue déterministe, aucune action humaine n'échappe aux lois de la nature. Il serait alors bien difficile de voir dans la responsabilité attribuée à chacun une liberté qui se réalise. [...]
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