Depuis toujours l'homme a fait la distinction entre le bien et le mal. Alors que « le Bien » cumule les valeurs de l'économie profane, de la modération, de la bonté et de la charité ; « le Mal » désigne quant à lui tous les excès du « sacré noir » (la violence, la mort, la perversion, mais aussi la lâcheté. A cette opposition « Bien / Mal » il semble se superposer l'opposition mesure / démesure.
La démesure signifie pour les savants, les érudits, ce qui est distant de la mesure ; mais dans notre langue, il signifie d'abord : exagération, excès d'orgueil, manque de modération, aliénation à l'infini d'un devenir que rien ne freine, que rien ne cadence.
Comme opposé de démesure, de l'excès, "mesure" doit donc d'abord être compris comme modération, maîtrise de soi qui empêche de dépasser les limites de ce qui convient. Tout va bien entendu dépendre de ce qui détermine « ce qui convient ».
On est souvent excessif dans nos comportements guidés par nos désirs, nos passions et nos envies. Ainsi pouvons nous nous demander si se laisser guider par ses désirs est mal ? Outrepasser ce qui est « correct » est-ce mal ? L'excès interroge donc la liberté et l'économie du désir, c'est-à-dire la part de démesure et d'abus en l'homme.
Aussi, la question de savoir si l'excès est le mal signifie : Le bien naît-il alors dans « la modération », la « mesure » et la « tempérance » ? Le mal est-il le fruit d'une erreur, d'un manque de connaissance, ou d'une faute? Le mal est-il autre chose que l'excès ?
[...] Cette démesure humaine est-elle le mal ? "Apollon, en tant que divinité éthique, exige des siens la mesure, et pour qu'ils puissent la conserver, la connaissance d'eux-mêmes". Ainsi, le connais-toi toi-même et le rien de trop sont l'image de l'exigence esthétique de la norme et du bien. A l'opposé, l'excès d'orgueil et la démesure, (démons entre tous ennemis de la sphère apollinienne), furent considérés comme l'apanage des temps pré apolliniens et donc comme le mal. L'excès, représenté par Dionysos, a néanmoins prouvé que l'excès n'était pas le mal. [...]
[...] Mais peut-on dire que c'est cette transgression qui est le mal ? Selon les théologiens, Adam a ici usé de son libre arbitre. Il avait en effet le choix de manger ou de ne pas manger le fruit défendu. Adam aurait donc voulu le mal et l'aurais ainsi transmis à tous les hommes. Mais ce mal était-il vraiment volontaire ? Ce mal produit, provient-il d'un excès, d'une transgression ou d'une méconnaissance ? Spinoza dans une lettre à Blyenbergh a tenté de démontrer qu'Adam n'a pas voulu abuser. [...]
[...] Le désir est humain. Il est même l'essence de l'homme explique Spinoza. La violence du désir qui peut être excessif peut inquiéter, mais une morale qui chercherait à supprimer le désir, même le plus démesuré ressemble à une sorte de suicide. Si vivre c'est désirer, cesser de désirer c'est en quelque sorte mourir. Nier le désir démesuré, ce serait en même temps nier notre affirmation, notre volonté d'être. Nous n'éprouvons pas de difficulté à justifier notre perpétuelle quête de satisfaction dans nos désirs. [...]
[...] Calliclès semble annoncer les âmes fortes démarquées du troupeau humain, les êtres exceptionnels dont l'éclat ou la cruauté rencontre la démesure du monde. Ainsi, comment pourrions-nous reconnaître " cette prétendue beauté de la justice et de la tempérance quand, dans notre for intérieur nous pensons : je veux faire ce que je veux, et surtout ne rendre de compte à personne. C'est en ce sens que l'on peut dire que tempérer serait me frustrer. Ainsi, m'empêcher d'agir au nom de la morale, même dans la démesure reviendrait à me restreindre et à m'imposer des limites. [...]
[...] Descartes dit qu'il suffit de bien juger pour bien faire Spinoza dans le même sens réfute l'idée que l'homme est un être libre. Un homme fuit la douleur et recherche le plaisir. Par là, il obéit à la loi de la nature qui veut que chaque être se conserve. L'homme se définit ainsi comme un effort pour préserver son être : il agit en fonction de son conatus (effort que je fais pour mon être). Je dois donc bien juger la situation pour que j'agisse bien. [...]
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