L'excès est communément défini comme le « trop » et ressenti négativement dans cette notion précise de trop, de surplus, voire d'abus. Pourquoi ce sens négatif quand il s'agit de l'excès ? Envisageons les excès qui viennent parfois rapidement à l'esprit: excès de vitesse, excès d'alcool, excès de drogue, de tabac… Le première constatation est que l'excès semble avoir systématiquement des conséquences négatives, ce qu'on rapporte à la notion de trop. Cependant, peut-on, par des conséquences négatives, en accuser directement la cause ? Si le trop gêne, est-ce par ses conséquences, uniquement ? Par ailleurs, les conséquences pour la santé, par exemple, ne peuvent être les seules en ce qui concerne l'excès. Comment accuser ce qui peut apparaître uniquement comme subjectivement en dehors de la norme ?
Par ailleurs, si l'excès en lui-même est négatif, encore faut-il parvenir à l'éviter. L'opposé de l'excès semble en ce sens la mesure. Mais peut-on conjurer l'excès par la mesure en toute chose ? Si l'excès a des conséquences, il a aussi des causes, et s'adonner à son contraire peut-il les neutraliser si facilement ? En effet, ne peut-on pas envisager d'autres alternatives, qui, en prenant en compte la cause de l'excès, permettent en quelque sorte d'en redéfinir l'expression ?
Pour répondre à ces interrogations, il paraît essentiel de s'intéresser en premier lieu à l'excès et à ses bornes, dans un second lieu à son rapport à l'individu, et pour finir de se demander si la mesure est toujours solution à l'excès.
[...] L'homme qui recherche l'excès chercherait en fait à se prouver qu'il est libre, puisqu'il fait délibérément ce choix, et d'affirmer par la même occasion sa qualité d'être humain puisque, contrairement aux animaux, il ne se limite pas à de simples besoins. Cependant, cette aspiration ne rend pas légitime la recherche de l'excès. En effet, comme Socrate le souligne, si l'homme est libre, il doit aussi l'être par rapport à lui-même. L'homme qui se plie à toutes ses passions, en suivant la métaphore du tonneau percé, se rend esclave de ses passions, par exemple en tombant dans la dépendance. [...]
[...] Si l'on dépasse notre capacité physique à supporter l'alcool, on a alors bu trop d'alcool par rapport à la norme, alors définie comme capacité physique, et les conséquences sont néfastes pour notre organisme. Dans ce cas, l'injonction à respecter une certaine quantité d'alcool a un sens, et réprouver le dépassement de cette norme, d'un point de vue biologique, en a également un. Peut-on toujours assimiler la norme à des règles prédéfinies par la nature ? L'excès d'un élément n'a pas forcément des conséquences physiques. [...]
[...] L'excès était alors recherché pour lui-même, sans tenir compte des conséquences. On distingue par ailleurs, dans une période plus récente, une forte propension à l'excès chez les nantis (cour de Louis XIV et de nos jours, à des comportements à risques. Tout se passe comme si l'homme, ayant acquis la possibilité de recouvrir ses besoins naturels (nourriture, logement), éprouvait l'envie d'utiliser le surplus dans des conduites excessives. Y a-t-il une sorte de penchant naturel à l'excès chez l'homme ? Pour la Fontaine, dans sa fable Rien de trop (livre IX, fable De tous les animaux, l'homme a le plus de pente A se porter dedans l'excès Il dénonce un penchant qui lui semble systématique, celui de se porter dans l'excès, et de ne pas respecter les proportions naturelles. [...]
[...] Cette conduite ne trouve pas son écho uniquement chez certains jeunes, mais la plongée dans une spirale excessive pourrait souvent, même chez l'adulte, se trouver dans cette optique de vide, de manque. Cependant, si l'excès nous permet alors d'oublier temporairement ce vide qui nous effraie, il apparaît que malgré le malaise profond exprimé par ce recours à l'extrême, cette conduite serait alors inacceptable, voire, du point de vue de la morale, irresponsable. Mais peut-on alors uniquement se contenter de fixer des règles afin d'éviter ces excès ? [...]
[...] Qu'en est-il de l'excès ? Si, sous prétexte de la subjectivité qui entoure les bornes du comportement non excessif, je choisis comme maxime de ne pas me restreindre et de choisir l'excès lorsque ce choix me convient mieux, le test d'universalité pose ici de nombreux problèmes. On en déduirait donc, selon Kant, qu'au-delà des normes édictées par des considérations biologiques par exemple, l'excès en tout échapperait aux lois morales. Les bornes de l'excès pourraient alors être définies comme celles qui encadrent les comportements moraux, et une dénonciation de l'excès y répondrait également. [...]
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