Nous nous proposons d'examiner l'évolution de la notion de crise et de sa gestion du point de vue de la France et des crises à dimension militaire. Cet examen se situe dans une perspective purement macro-analytique et, naturellement, ne prétend pas épuiser l'ensemble des hypothèses se rapportant à ce thème à la fois très riche et très complexe. Dans un premier point nous montrerons comment la notion de crise, longtemps vécue comme rupture, est devenue un composant de l'équilibre politique international. Dans un second point, nous évoquerons les grandes lignes des formes françaises de gestion des crises.
[...] L'outil militaire est à peu près adapté à l'utilisation qui en est attendue. L'armée de mercenaires de l'Ancien régime constituait un assez bon argument dans les conflits dynastiques de l'époque, d'autant que la relative puissance financière de la monarchie française la mettait en bonne position par rapport à ses homologues étrangers. Avec l'avènement de l'armée de conscription et une fois passé le vertige interventionniste de la Révolution et de l'Empire, l'instrument militaire devient surtout défensif avec l'apparition d'une sorte d'armée à deux vitesses, la majeure partie des troupes étant stationnée dans les garnisons métropolitaines, quelques formations spécialisées et plus ou moins bien considérées se chargeant des interventions extérieures, essentiellement dans les limites de l'empire colonial. [...]
[...] Ce vieux fantasme à l'égard de l'Angleterre comme de l'Autriche s'est prolongé bien au-delà du XVIIIe, comme en témoignent tant l'absurde joie des Parisiens à la nouvelle de la victoire prussienne de Sadowa que l'accueil favorable, du moins dans certains milieux, des campagnes de propagande nazies contre l'Angleterre après Mers-el-Kébir. Entre-temps, l'apparition d'un nouveau type d'affrontement à fondement idéologique a infléchi la politique française face aux crises internationales. Plusieurs éléments conduisent la France à faire preuve d'une relative prudence dans sa politique d'intervention extérieure chaque fois que des États comparables à elle sont en cause. La structure parlementaire de l'organisation du pouvoir politique ne favorise pas une politique internationale trop audacieuse. [...]
[...] Pour ce qui est de la dimension spécifiquement internationale du problème, et jusqu'au dix-neuvième siècle, les crises sont généralement vécues en termes de conflits de famille. Il n'est jusqu'à leur dénomination, telle la guerre des Deux-Roses ou les guerres de succession d'Espagne et de Pologne, qui ne témoigne de cette genèse, très proche des conflits qui peuvent se développer dans l'ordre privé, à l'occasion d'un héritage ou de la dissolution d'un mariage. À la fin du XIXe siècle encore, le conflit franco-allemand de 1870 démarre d'une manière anachronique, comme une affaire de famille, autour de l'éventuelle candidature d'un Hohenzollern au trône d'Espagne. [...]
[...] C'est un nouveau réseau de puissances qui se met en place autour de quelques grandes zones plus ou moins sensibles et stratégiques. L'émergence d'une puissance disproportionnée, susceptible de déséquilibrer ces rapports de forces subtils, tend à provoquer, de la part de la communauté mondiale, une réaction d'hostilité pour faire rentrer le coupable dans le rang sans pour autant l'éliminer. De ce point de vue la guerre du Golfe, pour autant que l'avenir la confirme comme exemplaire du nouvel ordre mondial (ce dont beaucoup doutent), correspond bien à un schéma selon lequel il ne serait pas possible d'admettre l'érection d'une grande puissance militaire dans la région du Golfe, mais pas admissible non plus de faire disparaître quelque composante que ce soit dans cet ensemble subtilement organisé. [...]
[...] À noter, à cet égard, le rôle joué par les médias. Les dirigeants ne peuvent négliger l'image véhiculée par les médias pour chaque crise, tant pour ce qui est de leur cause que du rapport de forces en présence et de la plus ou moins urgente nécessité de l'intervention extérieure. Il va sans dire que ces divers éléments ne sont ni statiques, ni à l'abri d'efforts de propagande de la part des divers acteurs internationaux. Au surplus, l'attention des médias ne peut se développer que dans un contexte d'ubiquité limité. [...]
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