Bien que l'on puisse en trouver diverses formes dès l'Antiquité, chez Platon dans la République, ou encore dans le régime de fer imposé par la politique de Sparte, le terme « eugénisme » (initialement un néologisme à partir des racines grecques eu, « bien » et gennaô engendrer, - et probablement inspiré de l'équivalent du prénom Eugène, « le bien né ») a été utilisé pour la première fois par le Britannique Francis Galton, psychologue, physiologiste et cousin de Charles Darwin. La théorie darwinienne de l'évolution le séduisit à un tel point qu'il envisagea pour l'humanité le projet de maîtriser, voire créer de toutes pièces sa propre évolution et améliorer par elle-même la qualité de sa propre race. Il lui paraît nécessaire par exemple de maintenir les lignées des « grands hommes » de la nation par une organisation rationnelle et factice de mariages et de fondations de familles, qu'il désigne sous le nom de « viriculture ». En 1883, Galton publie Inquiries into human faculty and its development : sur le modèle de l'élevage sélectif des animaux, Galton détient déjà sa propre forme d'eugénisme. Notons tout de même que la tendance humaine, et particulièrement des élites, présenterait déjà une forme de comportement eugéniste : une étude scientifique pour le moins insolite a tenté notamment de démontrer que le milieu des stars pratiquait indéniablement une certaine forme d'eugénisme.
[...] 34.) Or, Habermas pointe ici le manque d'une vision à long terme et déplore que les débats et les décisions concernent toujours des techniques déjà au point ou presque, et non ce que celles-ci induisent in fine. Ainsi, il est possible d'appliquer la technologie du diagnostic préimplantatoire à des fins préventives en intervenant sur le génome afin d'empêcher l'apparition de certaines pathologies héréditaires sévères Or si la première application de cette technologie parait moralement admissible, cette seconde utilisation devrait l'être tout autant Afin de mieux contenir les dérives de ces technologies, il serait nécessaire de distinguer clairement l'eugénisme négatif (justifié) de l'eugénisme positif (injustifié). [...]
[...] Par ailleurs A l'application de la technique de réimplantation est liée la question normative de savoir si le fait d'avoir été créé sous réserve et de n'avoir reçu le droit au développement qu'après une enquête génétique est compatible avec la dignité humaine p Habermas souligne aussi que À mesure que s'étendent et se normalisent la création et l'utilisation d'embryons aux fins de la recherche médicale, se transforme la perception culturelle de la vie humaine anténatale avec pour conséquence l'abrasion de notre sensibilité morale au profit des calculs des coûts est des bénéfices. pp. 36-37. Habermas pose la nécessité de moraliser la nature humaine : ce que la science met à notre portée doit être soumis à un contrôle éthique. Mais Habermas ne renonce pas à la référence à l'universel et à la raison comme conditions d'une vie commune moralement acceptable sous réserve que cette référence ne porte que sur les seules conditions formelles selon une conception procédurale de la raison. [...]
[...] Si l'humanisation progressive de l'écosystème et son fonctionnement ont amené à un processus massif, si ce n'est de pure hybridation de la nature, en tout cas de détournements partiels tournés vers un avantage ponctuel, il demeure néanmoins une distinction que l'on peut encore établir entre orienter la nature à son avantage, comme il en va notamment de l'agriculture et de l'élevage tel que nos ancêtres les ont connus, et la créer de toutes parts. Jürgen Habermas, L'avenir de la nature humaine -Vers un eugénisme libéral publié en Allemagne en 2001 et traduit en français en 2002 chez Gallimard. L'ouvrage s'inscrit dans les débats soulevés par le développement biotechnologique et le rapport à l'homme qui en découle d'un point de vue éthique. Habermas démontre la nécessité de redéfinir les cloisons morales face à l'extension de pratiques qui tendent à ce qu'il appelle une auto- instrumentalisation eugénique de la vie anténatale et de l'espèce humaine. [...]
[...] D'où la distinction possible entre eugénisme négatif et eugénisme positif. La convergence certaine entre points de vue objectivants de l'observateur et le point de vue subjectif du souffrant est un critère qui nous permettrait de parler dans l'absolu d'eugénisme thérapeutique ou négatif, en ce sens qu'il retire un mal unanimement reconnu en tant que tel, sans créer un bien pour autant. Mais si l'eugénisme négatif est censé éliminer une maladie hautement invalidante quel serait le seuil palpable de l'invalidité à définir, tout comme celui de l'insupportable ? [...]
[...] Mais la solution du mensonge génétique par omission demeure discutable d'un point de vue déontologique, bien qu'elle ne le soit pas d'un point de vue conséquentialiste, puisque le problème repose entièrement sur la conscience de l'individu d'avoir été génétiquement manipulé. Ces modifications ponctuelles en soi ne sont pas des entraves physiques à une vie épanouie par la conviction d'une totale maîtrise de sa propre existence. La procédure d'eugénisme positif pourrait ainsi, en elle-même, paraître acceptable, si elle n'est pas accompagnée d'une telle connaissance de la vérité. [...]
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