Historiquement, l'eugénisme a suivi plusieurs étapes : de l'art de bien engendrer, on est passé à une pseudo-science avec l'amélioration des qualités natives, puis ce fut les projets politiques du 20e siècle discrédités par les nazis. Enfin aujourd'hui, on parle de néo-eugénisme. Le sociologue Troy Duster soutient que « l'eugénisme ne se montre désormais plus ouvertement » mais qu'il est déjà à l'œuvre « dans les coulisses », dans le cadre des pratiques médicales actuelles : avortement, fécondation in vitro, diagnostic préimplantatoire...
On peut alors parler d'omniprésence et de polymorphisme de l'eugénisme : il ne s'est pas réduit à une seule conception mais a correspondu à beaucoup d'idées ; il n'a pas représenté une doctrine cohérente et simple, mais a donné lieu à un débat public chaotique. En effet, nombreux sont les films, les romans de science-fiction qui donnent une vision apocalyptique d'une société qui s'adonnerait sans limites aux modifications génétiques. De même, des législations visent à interdire des pratiques eugéniques. Par exemple, l'article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ou encore le Code pénal français : « Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d'amende ». Médias, lois : tout cela contribue à véhiculer l'idée que l'eugénisme est dangereux. Qu'en est-il réellement ?
Ce sujet est intéressant car il est au cœur de la préoccupation humaine. Les questions génétiques et biologiques s'appuient sur les plus récentes avancées de la génétique moléculaire, sur l'intérêt primordial aujourd'hui accordé au corps, et sur les inquiétudes au sujet de l'avenir de l'humanité.
Nous verrons donc dans un premier temps que l'eugénisme peut certes être considéré comme dangereux autant dans ses fins que ses moyens. Mais, ne sommes-nous pas en fait amenés à considérer qu'il existe une limite à ne pas dépasser pour accepter un eugénisme modéré et bénéfique pour l'homme ?
[...] Une limite sépare eugénisme négatif et eugénisme positif. On peut repérer le seuil entre les deux à la différence des attitudes. Il faut distinguer l'attitude du thérapeute, dans le cadre d'une pratique clinicienne et celle du designer : celui qui modifie le programme de l'embryon en adoptant vis-à-vis de lui une attitude à la fois optimisante et instrumentaliste. Au lieu de l'attitude performative adoptée face à une personne future, qui, dès le stade embryonnaire, est traitée en tant que personne qui pourra dire oui ou non, l'attitude adoptée dans le cas de l'eugénisme positif est celle du bricoleur et le mode opératoire est d'un ingénieur qui réalise instrumentalement son projet et traite les cellules de l'embryon comme un matériau Une réglementation à l'eugénisme? [...]
[...] Il peut en résulter, comme le reconnaît DWORKIN, un sentiment d'insécurité morale de dislocation morale qui menace nos valeurs, en poussant au-delà de la limite connue la distinction entre ce qui nous arrive et ce que nous choisissons. II. Y a-t-il une limite à ne pas franchir ? 1. Un eugénisme clinicien, mais pas sélectif A. Eugénisme acceptable, car bénéfique s' il est pratiqué à des fins thérapeutiques Tout d'abord, l'eugénisme peut être bénéfique pour l'homme en ce qu'il peut nous délivrer de graves maladies héréditaires et de lourds handicaps. À travers cette volonté d'éliminer les pathologies héréditaires, on parle d'eugénisme médical, clinicien ou encore thérapeutique. [...]
[...] Le pluralisme de nos intuitions morales est un fait de société moderne. Beaucoup de conseillers génétiques disent avoir rencontré des couples dont le désir est de ne pas empêcher la naissance d'un enfant atteint d'une maladie génétique. On est alors amené à envisager un eugénisme libéral qui repose sur des choix individuels. Dans les années 50, l'influent généticien américain Herman J. Muller suggéra que le contrôle positif de la reproduction devrait être réalisé non par le biais de décrets et de mesures obligatoires imposées par les autorités, mais par la libre volonté des individus concernés. [...]
[...] Une intervention étatique : désirable ou pas ? Certes, il y a danger lorsqu'il y a collusion entre un pouvoir scientifique quelconque et un pouvoir politique coercitif comme dans le cas de l'Allemagne nazie. On peut qualifier de dangereux un eugénisme mené par l'État sous forme d'action positive : c'est-à-dire en prenant des mesures autoritaires et coercitives pour l'encourager. Mais, une intervention étatique «négative semble souhaitable. Certes des décrets, des mesures obligatoires sont imposées par les autorités, mais dans le but de limiter, d'encadrer l'eugénisme actuel. [...]
[...] Or toute utopie est dangereuse. D'ailleurs, on peut aborder le danger que représenterait une société humaine parfaite. Pourrait-on alors toujours parler de vrais hommes ? Il semble que non puisqu'on aurait éliminé l'incertitude, la possibilité de s'auto-découvrir, et l'acceptation de l'inconnu, toutes choses qui donnent son prix à la vie. En outre, il convient de reconnaître la valeur primordiale de toute vie, même celle qui est génétiquement imparfaite. C'est d'ailleurs ce que prône le feuilleton télévisé Life Goes On qui met en scène un jeune homme atteint de la trisomie 21. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture