Étude sur la photographie et la philosophie. Les questions posées à la spécularité, notamment à travers le miroir, ont évolué au fil de l'histoire humaine. Et du statut donné au reflet dépend son mode de connaissance. Le champ de la subjectivité (connaissance et conscience du moi) se dégage lentement d'une perspective religieuse qui la fonde et la délimite en même temps que la maîtrise du reflet et de la perspective confère à l'homme un pouvoir nouveau, le pouvoir de manipuler son image et de la déformer au mépris de la ressemblance divine qui la cautionnait.
[...] Voilà comment nous pouvons comprendre que le miroir puisse acquérir pareille importance. Cependant il ne nous semble pas que la spécularité, pas plus qu'elle ne se limite au miroir ou à l'image du miroir, ne se limite à ce mouvement ironique. Si mouvement il y il concerne bien plus que cette auto-vision du moi. Cela en est une expression, mais la spécularité plonge ses racines plus loin en terre. A quel niveau, en quel domaine la spécularité vient-elle se rendre efficace et nécessaire ? [...]
[...] Cela ne semble pas. Peut-on tenir pour autant cette absence de désir de mettre à jour cette structure comme étant une composante principale de l'histoire de l'homme, pour la preuve de son importance ? Le fait est que c'est son absence de toute recherche globale qui la prenne pour tête d'affiche qui définit la raison d'être de la nôtre. Son champ épistémologique, quasiment inorganisé, s'ouvre pourtant sur tant de domaines distinctifs de l'homme, que l'on ne saurait l'ignorer plus longtemps. [...]
[...] Ce qu'il faudrait contester, c'est une place radicalement autre, dont nous verrons qu'elle ne peut être stabilisée, et qui sera désignée comme étant celle de la vérité, en fonction d'une altérité produite par le jeu entre le Réel, l'Être et le Sens, et mise en évidence par la spécularité. Cette temporalité, qui introduit le caractère incontestable des traits reproduits sur une photographie est, nous l'aurons compris, déjà présente dans la spécularité. Leurs essences sont donc proches. Leur seule différence, mais elle est cruciale, est celle que subit le traitement du reflet produit. Le reflet produit par la spécularité est lié au regard sur ce reflet, puisque ce reflet représente un regard se regardant. [...]
[...] Un tel principe est celui que nous appelons principe de spécularité En quoi ce morceau d'histoire qu'est l'histoire de la spécularité a-t-il connu ce sort de mettre à jour un pareil principe ? Que l'homme se retrouve dans l'histoire et l'histoire en l'homme, donc en tant que l'on peut parler de théâtre devrait suffire à nous désigner cette structure principielle comme étant spéculaire et, de là, spécularisante et spécularisée. Pour achever de répondre à la question pourquoi la spécularité a-t-elle cette importance ? [...]
[...] Cit, p.93. Comment mieux se cacher et/ou se montrer que dans et par les reflets multiples de soi-même, comme dans le magir mirror maze, scène finale de La dame de Shanghai d'Orson Welles, où les trois derniers protagonistes du drame disent la vérité à coup de revolver, se cachant en se montrant les uns aux autres, brisant miroirs et reflets jusqu'à enfin s'atteindre. Vu ce que nous disions du cinéma (Cf. note 822), il n'est pas superflu d'admettre que Welles en dit là la vérité : un lien à la spécularité brisé mais récurrent. [...]
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