Ici, la conscience de soi est présentée comme un critère nécessaire de l'attribution à quelqu'un du statut de sujet. Ce n'est donc pas la peine d'en rester au problème : peut-on être un sujet sans conscience ? Car ce problème est déjà résolu : il faut au moins avoir la conscience de soi pour être tenu pour un sujet.
Le problème va donc plus loin. Il faut se demander si ce critère est, en plus de nécessaire, suffisant. Est-ce qu'il suffit qu'un être ait la conscience de lui-même pour être considéré comme sujet ? A priori, certains animaux évolués (chimpanzé, orang-outan, éléphant, dauphin) sont capables de se reconnaître dans un miroir, ce qui indique qu'ils ont un minimum de conscience d'eux-mêmes. On n'en fera pas des sujets pour autant (...)
[...] Qui plus est, pour que ces qualités s'expriment, il faut encore que le sujet soit défini comme personne dans un cadre juridique donné. Ces conditions se cumulant définissent, comme autant de critères nécessaires (aucun n'étant suffisant par lui-même, tous étant lié par ailleurs), le sujet. [...]
[...] Grammaticalement, seul peut dire je celui qui se reconnaît comme l'origine de ses désirs, de ses pensées, de ses actes, ce qui arrive progressivement dans l'histoire de l'individu. Le petit enfant, tout d'abord ne parle pas, ensuite parle de lui à la troisième personne, avant de parvenir dire je On peut donc, avec Descartes, faire de la conscience de soi la preuve même de l'existence d'un sujet, et même doit-on préciser, du seul sujet conçu rigoureusement, à savoir le sujet pensant. [...]
[...] Un sujet n'est pas seulement conscient de lui, mais de choix qui s'offrent à lui dans le monde. S'il est pris par le déterminisme, il ne s'affirme pas comme sujet ; seul l'objet est déterminé de part en part. Mais l'être humain, s'il subit certains déterminismes liés à sa naturelle biologique ou animale, a pour le reste le choix : même les conditionnements psychologiques ou sociologiques qu'il subit, il peut tenter de les inverser ou d'en compenser les effets. Il a donc une prise sur sa vie, et la conscience qu'il a de lui-même se traduit moralement en liberté, en capacité de choisir (le libre arbitre cartésien ou le projet sartrien). [...]
[...] Le sujet ne se définit-il pas enfin par son statut de personne ? Un sujet réclame pour lui des droit, il se définit ainsi comme tel en sollicitant une certaine reconnaissance sociale, qu'elle se situe sur un plan moral ou sur un plan juridique. Sur ces deux plans, on peut dire qu'il faut, pour être reconnu comme sujet, admettre un régime de réciprocité pour des sujets considérés égaux entre eux. Sur le plan moral, Kant reconnaît à l'être raisonnable qu'est l'homme la capacité d'entrevoir la loi morale universelle à laquelle il doit obéir, cette loi reformulant la règle d'or en termes de respect de la dignité de toute personne, la mienne comme celle d'autrui (voir la formulation de l'impératif catégorique dans les Fondements de la métaphysique des mœurs) ; Un sujet n'est reconnu comme auteur de la loi morale, soumis au devoir et bénéficiaire de même droit, que si on lui reconnaît le statut d'une personne (fin en soi). [...]
[...] Mais cet indice est-il suffisant ? Ne présente-il pas une condition inévitable de la subjectivation, mais non l'expression pleine de cette dernière ? Un véritable sujet n'a-t-il pas dans l'ordre moral, la capacité de choisir entre des valeurs et donc d'affirmer sa liberté et sa responsabilité ? Si ces capacités morales font aussi d'un individu un sujet, ne doit-on pas dire aussi que le sujet se construit encore, dans son histoire, comme un sujet de droits, une personne, une fin en soi et surtout qu'il doit être reconnu comme tel ; cette dimension juridique (mais aussi morale) ne doit- elle pas alors être prise en compte ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture