La célèbre phrase biblique a beau dire « Aime ton ennemi comme toi-même », il semblerait pourtant que rien ne nous est plus offensant et hypocrite que d'admirer et louer quelqu'un envers qui l'on éprouve de l'aversion.
Quitte à ne pas suivre à la lettre la morale qui consisterait en le suivi de règles favorisant la vie en communauté et garantissant un bel avenir, l'on préfère souvent écouter ses envies, qui apparaîtraient comme des facteurs de notre bonheur, et qui coïncideraient avec le fait de haïr ses ennemis. Pourtant, rien ne semble prouver que d'agir moralement nous entraîne à la souffrance éternelle et au sacrifice perpétuel, puisqu'il paraîtrait possible de faire coïncider nos envies et nos devoirs moraux.
Voilà pourquoi l'on peut se demander si, en étant moral, l'on sacrifie nécessairement son propre bonheur et s'il est possible de suivre des préceptes moraux en parallèle de ses envies.
[...] Être moral est donc ici perçu en tant qu'un énorme sacrifice, qui n'est pas au profit d'une vie meilleure et du bonheur : même si la morale chrétienne surpassait la conception antique de la contrainte morale par l'espérance de la vie éternelle et du bonheur après la souffrance, Nietzsche tend à prouver que cette conception ne peut être que de l'ordre de la croyance et de la foi, et qu'elle tient en la supériorité des forts sur des faibles, et que, de surcroît, cette conception morale est loin d'être universelle, mais propre à son époque, propre à une culture, qui empêche l'homme de se réaliser. Nous avons donc vu que la morale et le bonheur semblaient être deux concepts totalement dissociés, l'un procédant au sacrifice de l'autre. Néanmoins, n'y a-t-il aucune possibilité de trouver une adéquation pour ces deux notions ? [...]
[...] Ses origines viendraient justement du christianisme, qui a fondé les valeurs présentes à l'époque de Nietzsche. Mais il soutient que la morale est l'interprétation d'un système de valeurs précises qui témoignent des conditions de vie d'un type d'individu particulier. Par conséquent, l'expression être moral ne semblerait pas aussi louable qu'elle devrait, puisque la morale universelle est niée, et qu'agir selon des lois morales ne seraient que suivre des préceptes propres à une époque et qui ne sont pas inhérents à l'homme. [...]
[...] Être moral n'est donc pas nécessairement un sacrifice de son propre bonheur ; il semble en effet possible, moyennant l'intervention de Dieu, et en considérant non pas le bonheur comme le but de nos actions, mais le devoir comme fin en-soi à celles-ci, d'être digne du bonheur, tout en ayant les vertus morales les plus pures. Bonheur et morale ne sont pas deux notions totalement opposées : l'intervention de nos inclinations pourrait nuire à notre morale, mais être moral et être heureux ne sont pas indissociables. [...]
[...] Le lien qui les relie est donc de cause à effet, et de nature indirecte : néanmoins, il semblerait impossible que la vertu parfaite nous rende directement dignes du bonheur. [...]
[...] Enfin, nous verrons quel est le lien réel qui noue ces deux états ; celui d'être moral et celui d'être heureux. Il est bien connu que, pour beaucoup de gens, se plier à des lois morales reste une importante contrainte. Un homme libre, dans le sens commun où il peut faire ce qu'il veut, ne peut accepter qu'un ordre lui soit donné extérieurement à lui-même, puisqu'il se pense autonome et apte à décider de ce qu'il doit faire. Il ne serait même pas naturel qu'autre chose choisisse à notre place ; qui pourrait avoir ce droit, n'est-ce pas notre nature qui est la plus à même de décider ce que nous devons faire ? [...]
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