La définition la plus courante de la liberté – comme « pouvoir faire ce que l'on veut » - implique une double capacité : celle de vouloir, d'abord et celle de « faire » ce que nous voulons. Elle implique aussi et surtout l'idée de possibilité, l'idée que rien ni personne ne nous empêche de faire ce que nous voulons. Il est certain que sans l'idée de volonté, c'est-à-dire d'un pouvoir de décision indépendant, l'idée de liberté n'aurait pas grand sens. Il semble donc qu'être libre, ce soit obéir à sa volonté et à sa volonté seule, n'obéir qu'à soi-même.
Mais de là, on tire souvent l'idée que toute règle extérieure faisant obligation et impliquant des contraintes qui réduisent notre possibilité de choix – une loi par exemple – est un obstacle à notre liberté. Or, on sait bien que l'existence collective implique de telles règles. A en rester à ce qui se présente d'abord comme une contradiction, entre le libre arbitre de chacun et la règle collective, extérieure, on conclura facilement que la liberté en société est nécessairement restreinte, voire inexistante : comment pourrait-on être libre, c'est-à-dire obéir à soi-même, et obéir en même temps à autre chose que soi ?
A moins que cette contradiction ne soit qu'apparente, et que je ne puisse être vraiment libre qu'en reconnaissant une règle qui me dépasse (et grâce à laquelle je pourrai me dépasser). Etre libre, est-ce donc n'obéir qu'à soi-même, en excluant tout ce qui n'est pas soi ? Mais au fait, quel est ce « soi » ou ce « soi-même » auquel je dois « obéir » pour être libre ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas quelque chose de paradoxal à définir la liberté comme « obéissance » - fût-elle comme obéissance à soi-même ?
[...] Etre libre, est-ce donc n'obéir qu'à soi-même, en excluant tout ce qui n'est pas soi ? Mais au fait, quel est ce soi ou ce soi-même auquel je dois obéir pour être libre ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas quelque chose de paradoxal à définir la liberté comme obéissance - fût-elle comme obéissance à soi-même ? Nous commencerons par montrer les ambiguïtés des formules utilisées pour définir la liberté : pouvoir de faire ce que l'on veut obéir à soi-même puis nous montrera qu'une conception conséquente de la volonté et de la liberté ne peut pas les confondre avec l'indépendance de l'individu isolé ni avec l'absence de règle. [...]
[...] Il s'agit pour chacun de passer de l'hétéronomie où se trouve d'abord l'individu tiré en tous sens par ses désirs, à l'autonomie qui fait le sujet véritable et donne son vrai sens à l'expression soi-même Ce que résume la formule de Rousseau : l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Du contrat social). Obéir à soi-même ne peut avoir le sens d'obéir à ses désirs, quels qu'ils soient. D'autre part, il est assez puéril de croire que les relations avec les autres, l'existence collective, ne sont que des entraves à notre liberté. Sans la communauté humaine, aurions-nous ka capacité de vouloir ? [...]
[...] Seuls, aurions-nous la capacité de réaliser le moindre projet d'importance, d'assurer la satisfaction de nos besoins ? L'individu isolé ne serait-il pas totalement dépendant de la nature et des éléments matériels, totalement prisonnier du contexte naturel, incapable de lui donner forme humaine ? En réalité, le sujet ne se forme, avec sa volonté propre, que sur la base de la culture qui lui est transmise, et le vrai pouvoir des hommes est un pouvoir collectif. N'est-il pas évident, dès lors, que si être libre c'est bien obéir à sa volonté, le développement de la liberté suppose aussi que l'on obéisse à une règle collective ? [...]
[...] Il faut mettre en œuvre notre capacité d'invention, et à cet égard la liberté a des ressorts, qui échappent largement à notre raison consciente, délibérée et réfléchie : il ne s'agit plus alors d'obéir, puisqu'il s'agit d'inventer. Il ne faut pas laisser ce que je suis décidé de ce que j'ai à être, et l'on voit combien la formule n'obéir qu'à soi-même pourrait nous faire manquer de liberté. Bibliographie indicative Liberté et valeurs morales P Philo0744 (1992) Pourquoi philosopher ? [...]
[...] Mais comment cette règle que l'individu se donne peut-elle être en même temps une règle collective, une règle imposée par la collectivité ? N'y a-t-il pas de contradiction ? Il faut d'abord comprendre que l'obéissance n'est pas nécessairement synonyme de servitude. Comme l'a montré Spinoza (Traité théologicopolitique) elle ne l'est que si elle ne sert que l'intérêt de celui qui commande, et non l'intérêt de celui qui obéit. Reprenant cette idée, Rousseau montre que c'est l'autorité de la loi qui nous protège d'avoir un maître. La condition première de la liberté est de ne pas être soumis à la volonté d'un autre. [...]
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