Pour qu'une action soit juste, on pense qu'elle ne doit pas être influencée, dictée par quelque avantage personnel. Un intérêt tel que la satisfaction de ses propres désirs ôterait l'objectivité d'un jugement, la gratuité d'un acte, la loyauté d'une personne. Pourtant, s'il n'y a pas de raison qui me pousse à être juste, s'il n'y a aucun intérêt à se comporter conformément à la justice, à la morale, à l'équité, pourquoi le faire ? Alors, pour être juste, faut-il être désintéressé ? Est-il nécessaire de ne pas agir selon un intérêt personnel pour être conforme à l'idée de justice ? Nous verrons d'abord pourquoi la justice ne peut exister que s'il y a désintéressement ; puis nous montrerons que si l'on est juste, c'est avant tout par intérêt ; enfin, nous expliquerons que si nous agissons justement par intérêt, cela ne suffit pas à nous rendre juste : pour être juste, l'intérêt n'est pas une condition suffisante, il faut compléter nos actions par autre chose.
[...] C'est en cela qu'il ne faut pas viser un avantage personnel. Il faut chercher la justice en tant que vertu morale à l'intérieur de soi. Il faut distinguer la justice en tant qu'institution judiciaire qui fait respecter le droit dans une société à travers les lois, et la justice en tant que conception morale d'une personne, en tant que valeur suprême. La justice comme institution n'a pas besoin de la justice comme vertu pour exister, tandis que la justice comme vertu nécessite que l'homme y soit prédisposé. [...]
[...] C'est en cela qu'il trouve son intérêt. Pour être en accord avec la justice, il faut se rappeler les avantages qu'elle nous promet. Etre désintéressé ne conduirait donc pas à une conduite juste. Avoir un intérêt est une condition nécessaire à l'action juste, c'est-à-dire conforme à la justice comme institution. Mais cela suffit-il à nous rendre juste ? Est-on moralement juste si l'on ne fait que suivre la loi ? N'est-il pas nécessaire d'ajouter à cela quelque autre intention, acte de prédisposition ? [...]
[...] Il faut se désintéresser de sa personne. C'est une condition nécessaire, et non pas une éventualité. Il est important d'insister sur le caractère obligatoire et contraignant de cette condition. Il faut un désintérêt personnel pour que nos choix et nos actions soient conduits par l'objectivité et par conséquent par la justice. Falloir ne signifie pas être préférable mais être nécessaires. Si par exemple il reste une part de gâteau pour trois personnes dont moi-même, il est juste que celle-ci soit partagée même si je n'ai plus faim que les deux autres personnes, ou que je n'en mange presque jamais, ou que je suis deux fois plus gros qu'eux. [...]
[...] Donc pour être juste, il faut respecter la justice civile qui doit maintenir l'ordre et la paix. Mais comme ce qui est légal n'est pas forcément notre intérêt premier, au mieux, ou n'est pas légitime, au pire, si l'on respecte les lois, c'est uniquement par crainte du châtiment. Sans punition, on ne serait pas juste au sens de conforme à la justice. Par exemple, au XIXe siècle, la femme n'avait pas le droit de porter un pantalon qui était une pièce réservée à l'homme. [...]
[...] On peut à travers son but personnel agir justement. Mais sans avantage en vue, il n'y a pas d'action, donc pas d'action juste. Qu'il faille être désintéressé signifie que c'est un point de départ, une impulsion. L'intérêt est nécessaire parce qu'il est le moteur initial de l'acte. Et si l'on fait de l'intérêt de l'universel son intérêt personnel, alors on agit pour la communauté entière, donc de façon juste. On voit donc que non seulement on peut être juste en ayant en vue un intérêt personnel, mais qu'il faut une motivation particulière pour que se réalise un bien universel. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture