En 2009, Benoît XVI avait suscité des vagues d'indignation suite aux propos qu'il avait tenu dans un avion qui le menait au Cameroun. Il stigmatisait l'utilisation du préservatif, allant jusqu'à affirmer que « leur utilisation aggrave le problème ».
Toutefois, s'il est aisé de critiquer de pareils propos compte tenu des ravages du SIDA - tout particulièrement en Afrique - il est également possible d'affirmer que toute prise de position différente de la part du Pape aurait été inadmissible. En effet, l'utilisation du préservatif est contraire aux préceptes de l'Eglise et le Pape se doit d'enseigner la foi authentique. Or, « le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l'action il s'en remet à Dieu » : Benoît XVI est parfaitement dans son rôle lorsqu'il condamne l'utilisation du préservatif, peu importent les conséquences.
Pour reprendre les termes de Max Weber, l'action de Benoît XVI s'inscrit dans une éthique de conviction, et non dans une éthique de responsabilité (où au contraire, il aurait du répondre des conséquences prévisibles de ses actes et de ses prises de position).
Le fait que l'éthique soit composée de deux facettes aussi antagoniques souligne la complexité du concept et porte à croire que toute tentative de définition générique de ce qu'est l'éthique est vouée à être rapidement dépassée afin de rendre compte de la richesse de ses acceptions. Néanmoins, l'éthique est communément définie comme étant une discipline pratique se donnant pour objectif d'indiquer la manière dont les êtres humains doivent se comporter et être, entre eux et envers ce qui les entoure.
C'est en tenant le concept de morale pour terme fixe de référence qu'il devient véritablement possible de fixer un emploi au terme d'éthique. Certes, éthique et morale renvoient tous deux, par le biais de leurs étymologies respectives, au vaste champ des pratiques humaines et des comportements : l'ethos grec ou le mores latin connotent ainsi explicitement les moeurs. Penser que la morale se distingue uniquement de l'éthique par une rigueur accrue ou que l'une n'est que le parent pauvre de l'autre, serait une erreur. L'éthique et la morale engagent en effet de postures spécifiques face au monde, « descriptive » dans un cas et « prescriptive » dans l'autre. Paul Ricoeur propose d'assigner à la morale une double fonction, celle de désigner, d'une part, des principes du permis et du défendu, soit la « région des normes », d'autre part, le sentiment d'obligation du rapport d'un sujet vis-à-vis de ces normes. C'est justement autour de ce « royaume des normes » que le concept d'éthique se brise en deux, une branche désignant l'amont des normes (ce que Paul Ricoeur nomme l'« éthique antérieure »), l'autre désignant l'aval des normes (ce qu'il nomme l'« éthique postérieure ») (...)
[...] C'est en cela que l'on peut parler de douleur morale rappelle P. Ricœur. Les sentiments moraux ont donc une raisonnance affective, ce qui permet de lier la morale aux désirs. =!Jean-Jacques Rousseau, Émile, ou De l'éducation, 1762! 7!Paul Ricœur, De la morale à l'éthique et aux éthiques in Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale sous la direction de Monique Canto-Sperber, 2004! ! Ainsi, la moralité peut être tenue comme matrice par rapport à laquelle se définit une éthique antérieure, en amont, et des éthiques appliquées, en aval. [...]
[...] ! ! ! ! ! + ! ! ! [...]
[...] ! ! ! Or il avait été établi que ces sentiments moraux constituent le lien entre la morale et la vie, entre la morale et le désir. Dès lors que ces sentiments ne sont plus, à proprement parler, moraux, mais simplement la manifestation de notre amour-propre, ce lien se délite. La morale devient alors quelque chose de pathologique, voire de pathogène. Elle n'accompagne plus l'élan vital mais constitue un obstacle à son épanouissement. ! ! ! ! ! ! ! [...]
[...] En tant que produit de l'imagination, il s'enracine dans les affects. Rappelons également, à l'encontre de certains préjugés, que la morale dans sa dimension formaliste n'exclut pas le désir : elle ne fait que l'exclure en tant que critère d'évaluation. Certes, le plaisir comme la douleur ne sont pas des sentiments moraux. Par contre, ils sont liés aux sentiments moraux. Par exemple, faire preuve de courage peut, directement ou non, être source de plaisir. À l'inverse, la honte peut susciter de la douleur. [...]
[...] Il existe ainsi une conscience morale, qui n'est autre que la reconnaissance de cet impératif. Il paraît légitime de se demander ce qui vient garantir la pérennité de cette conscience morale et donc du sentiment d'obligation du sujet vis-à-vis de la norme. Ce sont les sentiments moraux, que Max Scheler a commencé à répertorier dans son éthique matériale des valeurs6. On peut citer la honte, le courage, l'enthousiasme, l'admiration ou encore le dévouement. Le fait que certains sentiments puissent être marqués moralement témoigne de ce que l'affectivité n'est pas exclue du domaine de la morale. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture