Dans sa nouvelle "Contact", Fréderic Brown présente la vision d'une civilisation martienne ayant atteint un très haut niveau de développement dans les sciences sociales mais n'ayant que des connaissances basiques en sciences « dures ». Au contraire, la civilisation humaine y apparait comme maîtrisant de nombreux aspects de la technologie mais peu les sciences sociales. Cette opposition de style imaginée par F. Brown nous amène à nous demander ce qu'il en est aujourd'hui du lien entre le développement respectif des sciences sociales et celui des sciences dites dures dans nos sociétés.
Il est ainsi remarquable de noter que la plupart des institutions d'enseignement et de recherche se consacrent soit à l'un ou l'autre des deux versants des sciences, les institutions pluridisciplinaires étant rares. Nous pouvons ainsi nous demander si cette dichotomie n'est pas révélatrice d'une réelle autonomie d'un type de science vis-à-vis de l'autre ou au contraire si elle ne cache pas une relation d'interdépendance. En clair, est-il possible de dissocier le développement des sciences humaines et sociales et celui des sciences exactes ?
[...] Il faut, pour pouvoir répondre à cette question, s'intéresser aux différents facteurs qui peuvent justifier cet essor. Nous pouvons ainsi distinguer comme possibles raisons la tradition d'excellence dans un secteur ou les contextes géographiques et politiques locaux, plusieurs exemples viennent étayer ce fait : nous pouvons citer l'émergence de nombreuses théories économiques dans les pays occidentaux suite à la crise de 1929 (John Keynes, Paul Samuelson, Milton Friedmann, etc.), ou encore le développement très rapide de la physique nucléaire aux Etats-Unis durant la Seconde Guerre mondiale et qui permit la fabrication de la bombe nucléaire en un temps record (Programme Manhattan qui réunit 5000 physiciens et ingénieurs de 1942 à 1945) . [...]
[...] Il semblerait donc que sur les deux derniers siècles, les différentes thématiques des sciences se soient cloisonnées les unes par rapport aux autres, creusant à priori encore plus le fossé entre les sciences sociales et exactes. Mais qu'en est-il à une échelle spatiale ? Il est bien connu que certains pays ou régions du monde ont développé au cours de leur histoire des connaissances ou savoir-faire dans des domaines scientifiques bien précis. Serait-ce donc le signe qu'une science peut parfaitement prendre son essor indépendamment des autres ? [...]
[...] C'est ainsi qu'ils existent de nombreuses équipes de recherche interdisciplinaires voire de nouveaux champs de savoir nés de la rencontre entre plusieurs disciplines, telle que l'éthologie humaine, rencontre entre l'étude du comportement animal et la psychologie de l'enfant. Plus globalement, l'histoire des sciences montre que les grandes périodes d'essor scientifiques ont toujours eu pour corollaire de grands principes philosophiques et conceptuels qui ont façonné l'ensemble de la pensée scientifique. Ceci est vrai dès l'antiquité, dans les sciences grecques, où les pensées pythagoricienne ou aristotélicienne sont des pensées globales, s'appliquant à toutes les connaissances connues à cette époque. [...]
[...] En conclusion, il nous est apparu qu'une approche superficielle et linéaire de l'histoire des sciences peut amener à conclure à l'autonomie des sciences exactes et des sciences sociales et humaines dans leur développement. Mais nous avons vu que les liens entre ces deux pôles sont plus profonds et subtils : ils résident notamment dans le partage d'un socle commun de méthodes et de concepts fondateurs, ainsi que dans un rapport d'enrichissement mutuel nécessaire. Dissocier les développements respectifs de ces deux pôles serait donc un non-sens, car impossible. [...]
[...] En clair, est-il possible de dissocier le développement des sciences humaines et sociales et celui des sciences exactes ? Pour répondre à cette problématique, nous montrerons dans un premier temps qu'à une échelle spatiotemporelle réduite, les deux pôles des sciences peuvent paraître parfaitement indépendants l'un de l'autre, puis dans un second temps, il nous apparaîtra qu'à une échelle plus large, plusieurs formes d'interconnexions et de dépendances entre sciences sociales et sciences exactes existent. Les sciences, par définition, sont une accumulation de savoirs, de connaissances et de méthodes. [...]
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